La compétition dans les gênes de Stéphane Molliens

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Stéphane Molliens, Champion paralympique de para-tennis © ITTF-Remy Gros

Le Mosellan Stéphane Molliens est à nouveau champion paralympique de para-tennis de table à Tokyo. Il remporte la médaille d’Or sur l’épreuve  d’équipe avec son coéquipier Fabien Lamirault. Une dernière médaille qui lui permet de terminer sa carrière en apothéose en remportant la plus belle compétition sportive. Rencontre.

Quel est votre parcours de vie ? Le Tennis de Table a-t-il toujours été une évidence pour vous ?

Initialement, j’étais footballeur au centre de formation de Metz et je vivais pour le foot, puis j’ai eu mon accident. Le tennis de table est arrivé tardivement, cinq à six ans après mon accident. C’est une rencontre avec ce sport mais aussi avec des personnes du club de Moulins-lès-Metz qui m’a fait prendre conscience de mon potentiel. On naît peut-être compétiteurs ou pas… En tout cas, j’ai ça dans les gênes. J’ai commencé en 1997 et je me suis entraîné pour obtenir des résultats.

Vous avez eu un accident de voiture lorsque vous étiez adolescent qui vous a rendu tétraplégique. Comment se relève-t-on d’une épreuve comme celle-ci ? 

Avec le temps et en étant bien entouré. On apprend à vivre de manière différente. Mon leitmotiv a été de toujours avancer, progresser, avoir des envies pour ne pas tourner en rond. Ma force a été ma volonté de ne pas sombrer et de ne pas se sentir désœuvré par rapport à la situation.

En 2003, vous accédez à l’équipe de France et ne l’avez plus quittée depuis. Comment avez-vous vu évoluer cette équipe ?

Elle évolue en fonction d’une politique sportive mise en place par une fédération. Quand je l’ai connue, il n’y avait pas d’élitisme et les portes de l’équipe de France étaient plus ouvertes. Aujourd’hui ce n’est plus le cas, car il y a cette volonté de créer une élite pour atteindre un haut niveau d’excellence et pouvoir rivaliser avec les autres pays. Il est nécessaire d’avoir une élite de joueurs mais il est aussi important de faire découvrir l’équipe de France à des jeunes joueurs avec un petit cv afin de leur donner davantage faim ! On ne recherche que ce que l’on connaît. 

Après Athènes, Londres, Pékin, Rio… Tokyo ! Est-ce que l’excitation de représenter la France aux jeux paralympiques est restée identique lors de cette cinquième participation ?

Complétement ! La différence c’est que quand on vieillit, on s’assagit ! On vit moins les choses de manière épidermique et il y a des temps où l’on relativise aussi bien la victoire que la défaite. C’est toujours un bonheur d’être sélectionné, de vivre des moments de grâce quand on est victorieux et de partager cela avec nos proches grâce à la fenêtre médiatique.  

Ces Jeux Paralympiques étaient forcément particuliers du fait du contexte. Quel a été votre ressenti par rapport à ces circonstances ? 

On le savait dont on s’y est préparé… C’était comme un plat qui est fade ! Les Jeux, c’est une grande fête populaire et mondiale. Tous les quatre ans, on attend ce moment pour vivre l’apothéose de notre préparation. 

Etes-vous satisfait du classement de la France qui termine 14e avec 54 médailles ?

On peut s’enorgueillir d’être placé dans plusieurs disciplines avec deux qui ont permis de ramener plusieurs médailles d’or, le cyclisme et le tennis de table. Le bilan est bon à mon sens. A trois ans de Paris 2024, on est au-delà de l’objectif annoncé et c’est encourageant. 

Vous avez remporté l’une des onze médailles d’or de la France contre le binôme coréen Park-Cha. Un match serré… A quel moment avez-vous su qu’elle était pour vous et qu’est-ce que cela vous fait de terminer votre carrière ainsi ? La victoire est d’autant plus savoureuse ?

C’était un beau challenge avec une équipe redoutable en face. Avec mon coéquipier Fabien Lamirault, on avait confiance en notre double. On s’est fait un peu chahuter mais nous sommes tellement solides en double que nous savions que si on le gagnait, on avait l’or. Terminer une carrière avec une médaille d’or, qui est plus est en double, c’est l’aboutissement d’un joueur d’équipe qui a voulu faire un sport en individuel, a remporté des médailles en individuel et termine avec des victoires en équipe. 

Au fil des années, on constate une plus grande médiatisation des Jeux Paralympiques. Est-ce aussi votre avis ? Et pensez-vous qu’elle est suffisante ? 

Il y a une plus grande médiatisation sûrement due à Paris 2024. Progressivement, on y vient et on s’acculture au sport paralympique mais cela reste insuffisant. On en parle durant les Jeux mais entre deux olympiades, on ne parle plus des sportifs paralympiques.

Vous avez annoncé votre fin de carrière de pongiste après ces jeux à Tokyo. Pourquoi partir avant Paris 2024 et comment voyez-vous la suite de votre histoire ?

Il y a des choses qui nous appartiennent et je sens que c’est le moment. Mon corps est plus en souffrance lors des enchaînements de stages, et la récupération est de plus en plus difficile. Ma blessure en début d’année m’a fait prendre conscience que le corps a ses limites et malgré ma bonne préparation, je reste vulnérable. Depuis 2018, je me prépare à arrêter ma carrière… J’ai le sentiment d’écrire un bouquin et de le terminer avant d’en débuter un nouveau. Peut-être sera-t-il mieux ou moins bien… En tout cas, il sera différent. Je vais rester dans ce milieu en accompagnant des joueurs et en les aidant à s’acculturer à cette exigence du haut-niveau.

Propos recueillis par Marine Prodhon

Stéphane Molliens (à droite), et son coéquipier Fabien Lamirault (à gauche), Champions paralympiques de para-tennis © ITTF-Remy Gros
Photos © ITTF-Remy Gros, DR