Jean-Marc Landry : « Il reste énormément de choses à apprendre sur le loup »

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Éthologue suisse, spécialiste du loup, Jean-Marc Landry intervient auprès du parc Sainte-Croix à Rhodes (Moselle) les 15 et 16 novembre prochains pour une formation exceptionnelle « Dans les yeux du loup ». Sans manichéisme, il y fait découvrir cet animal fascinant.

Pourquoi cet intérêt pour le loup, plutôt que pour un autre animal ?

Depuis toujours, la relation entre le loup et les hommes m’a fasciné. Le loup est un peu un miroir de l’être humain ; on peut observer chez lui des comportements parfois similaires. Mais surtout, je m’intéresse aux problèmes de cohabitation. Mon défi est de comprendre comment on peut vivre avec lui tout en empêchant les attaques sur les troupeaux, en préservant l’activité pastorale. Est-ce possible ? L’avenir nous le dira.

Quel portrait pouvez-vous en brosser ?

La base de connaissances vient surtout d’Amérique du Nord. Il faut rester prudent et ne pas nécessairement les appliquer aux loups en Europe. Dans l’imaginaire moderne, le loup est le symbole d’une nature sauvage. Cette image vient justement du loup américain. En Europe, il y a des loups dans des zones céréalières. Quelques-uns vont même chercher de la nourriture dans des décharges. Sinon, le loup vit dans une cellule familiale, la meute, qui est très proche de nos schémas sociaux. Toutefois, il reste énormément de choses à apprendre sur lui. Beaucoup de questions sont encore en suspens sur les stratégies de chasse : comment les jeunes apprennent-ils à chasser ? Le loup a-t’ il des tactiques d’attaque ?

Quelles idées préconçues le grand public peut-il encore avoir sur le loup ?

On fait beaucoup d’anthropomorphisme pour le loup. Certaines personnes pensent que le loup tue uniquement pour le plaisir. D’autres s’imaginent qu’il est beau et gentil, qu’il n’abat ses proies que pour se nourrir. La réalité est plus nuancée. Il existe des cas de surplus killing sur les proies domestiques comme celles sauvages [N. d. A. : lorsque les prédateurs tuent plus de proies qu’ils ne peuvent en consommer. Ce phénomène n’est pas propre au loup]. J’essaie de casser certaines images du loup. Je le rapporte toujours au chien. Le loup a été le premier animal domestiqué. Il s’agit d’ailleurs probablement d’une auto-domestication : il se serait approché de l’homme pour chercher de la nourriture.

Vous vous impliquez beaucoup dans l’étude et la mise en place de mesures de protection pour les troupeaux. Quels sont les outils actuels ?

Comme le loup a disparu dans de nombreuses régions d’Europe, l’élevage s’est développé sans sa présence. Là-dessus, il revient et bouleverse l’équilibre qui s’était créé sans lui. J’aime les loups, j’aime les brebis et je ne prends pas parti pour l’un ou l’autre. Je tente de comprendre comment cet animal attaque les troupeaux et, avec les éleveurs, de trouver des solutions. On est en train de monter une équipe européenne pour essayer d’apprendre au loup à éviter les troupeaux. Le chien fait fuir l’animal mais ne l’empêche pas de revenir. On tente donc de mettre en place d’autres outils de protection dont le fladry, un fil placé sur une clôture existante et sur lequel sont posées des petites banderoles colorées. Le loup en a peur car il est effrayé par la nouveauté. Mais cette crainte disparait rapidement et certains ont eu l’idée de rajouter des fils électriques. Ce système de « turbo fladry » augmente l’efficacité du fladry. Le prédateur l’identifie comme dangereux et reste à l’écart.