Vous en savez probablement autant que nous sur les NJP, acronyme le plus connu et couru de Nancy, et festival dont la 48ème édition se déroule jusqu’au 16 octobre… Et croyez-nous, elle vaut le (sacré) détour. Dans un sursaut de facilité, on pourrait la résumer à ça : 14 jours, 200 bénévoles, 150 concerts, 200 bénévoles, 100 techniciens et prestataires, 2 M€ de budget… ou encore à ça : Woodkid, Camille, Jamie Cullum, Thomas de Pourquery, Avishai Cohen, Benjamin Epps, Gilberto Gil, Miossec, Le Trio Joubran, Michel Portal, Meute, Goran Bregovic, Miossec, Frenetik… Mais aussi à ça : Chapiteau, Magic Mirrors, Salle Poirel, L’Autre Canal, Marché d’Haussonville, Guinguette Square Chopin, Théâtre de Mon Désert, Pub Mac Carthy, Cour des Arts, Goethe Institut… Et on aurait un peu raison, mais ce serait réduire les NJP à des lieux, des noms, des chiffres… en omettant l’esprit, l’histoire d’un festival précurseur qui ne s’est jamais reposé sur ses lauriers ; qui, dans la tempête, a fléchi sans rompre. Oui, ce festival brille par la variété de sa programmation et par la beauté de son affiche, par la diversité de ses scènes et par l’amplitude de ses moyens. Mais oui aussi, il s’est toujours employé à rayonner, à innover, à inventer, à imaginer un autre possible… à l’image de Pépinière en Fête et sa série de concerts gratuits, le 10 octobre prochain. Ou de ses concerts d’hiver dans des lieux d’exception. Ou encore de Nancy Jazz Up !, tremplin qui offre à un jeune talent, depuis 2018, une formation jazz et un accompagnement professionnel pendant un an. Quant à sa nouvelle déclinaison estivale, Nancy Jazz Kraft, elle reviendra pour trois jours de concerts au printemps 2022. Vous n’êtes pas prêts !
Thibaud Rolland, atout public
Du jour au lendemain, Patou Kader lui abandonnait sa casquette et le fauteuil occupé depuis quatre décennies… Depuis trois ans qu’il dirige les NJP, Thibaud Rolland a choisi la continuité, tout en manifestant son ambition pour un festival polymorphe prônant le mélange des publics autant que celui des genres. Rencontre…
Quel lien entreteniez-vous avec ce festival avant d’y travailler ?
En 2008, alors étudiant à Metz, je tombe sur la belle affiche des NJP, festival qu’en tant que rémois, je ne connaissais pas… Mais, saxophoniste passionné de musique, j’ai immédiatement remarqué la qualité des artistes à l’affiche, dans plusieurs genres musicaux… Il y avait un incroyable trio de jazzmen, Stanley Clarke, Marcus Miller & Victor Wooten… mais aussi Birdy nam nam, Coldcut… C’était fou de voir de tels noms jouer en France ! A vrai dire, je ne savais pas que ça pouvait exister.
En 2009, vous intégrez le festival en tant que stagiaire production…
… et je prends conscience de son aspect tentaculaire : il multiplie les actions sociales, les concerts en région, endosse le rôle de producteur… Patou Kader a mis à l’affiche des groupes qui me subjuguaient enfant, tout en ouvrant la programmation aux musiques du monde et en se faisant défricheur de talents, talents devenus, par la suite, des têtes d’affiche fidèles (Eddy de Pretto, Ibrahim Maalouf, Selah Sue…). Il a fait des NJP un label de qualité.
Mon intérêt pour cette manifestation n’a jamais faibli, et en tant que directeur, je m’appuie sur cette superbe base pour développer les propositions artistiques, le confort du public, la transition écologique, les actions sociétales…
Comment s’est passée la transition ?
Après quarante ans à son poste, Patou m’a laissé les clés du jour au lendemain en me donnant un conseil : celui de vivre ici. Il avait raison ! Je n’ai pas grandi à Nancy, et je manque de repères, de réseau, de culture de cette ville… En fréquentant les bars, les soirées, je multiplie les occasions de rencontre. Pour le reste, si des ajustements ont été nécessaires, j’avais été très bien formé par Velours, l’association rémoise que j’avais fondée et pour laquelle j’organisais un festival hip-hop… à la différence près qu’ici, je quintuplais mon budget !
Comment cette édition post-Covid a-t-elle été travaillée ?
Depuis que je suis en poste, j’ai connu une année normale et une année Covid… Nous sommes en année normale/Covid : c’est plus facile que l’an dernier, et moins que l’année prochaine ! Nous avons dû faire avec quelques annulations et le budget technique, poste sur lequel je veux investir pour améliorer l’expérience du public, a explosé, mais nous devrions atteindre l’équilibre budgétaire.
Improviser Nancy Jazz Kraft cet été nous a obligé à travailler dans des délais plus courts que d’ordinaire, ce qui n’est jamais très confortable, et nous sommes tributaires des changements réglementaires (pass sanitaire obligatoire, jauge de 75% pour les spectacles debout…). Pép en fête sera également moins festif que d’habitude, puisque nous avons dû supprimer toutes les animations prévues dans le parc. Mais pour ce qui concerne les salles extérieures, c’est officiel : le public retrouvera le plaisir d’assister à un concert non masqué !
Quelle soirée vous ressemble plus particulièrement ?
J’aime une grande partie de la programmation, mais l’affiche qui me ressemble le plus est probablement celle de la soirée de clôture, qui réunit trois performeurs et trois styles de musique : Woodkid, qui revient avec un super show visuel, Thomas de Pourquery, jazzman sympa, extraverti et créatif, qui creuse, avec Supersonic, un sillon jazz pop très chanté, très joué… avec, en première partie, Bonnie Banane, performeuse au style rnb et pop. Mon objectif est de faire se mélanger les publics, tout en me jouant des frontières musicales. Un pied dans le jazz élitiste, un autre dans la musique actuelle… Pour la première fois, nous avons publié la grille de programmation, et je ne compte plus le nombre de retours s’étonnant de la diversité des lieux, de l’éclectisme de la programmation… Mais NJP, c’est ça !
Cécile Mouton
Plus d’infos : nancyjazzpulsations.com
Photos © DR