Cirque Arlette Gruss : les 40 ans

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1995 © Cirque Arlette Gruss

Avec « 40 ans », leur nouveau spectacle, Gilbert Gruss et sa troupe saluent la mémoire et l’œuvre d’Arlette, initiatrice de cette épopée au long cours.

Casser les codes

À l’origine, il y a Arlette Gruss, guidée par son envie fondamentale de créer son propre cirque. Imaginez un peu ! Un cirque à soi ! Mue par son envie de casser les codes, tout en mélangeant subtilement modernité et tradition, elle réalise son pari fou, entraînant avec elle son mari, Georgika. Depuis lors, l’amour et la passion du cirque se transmettent de génération en génération. Jamais passéiste, toujours dans l’après, Arlette Gruss avait coutume de dire que « les gens de cirque vivent dans le présent et le futur appartient à ceux qui s’aiment. En ce sens, les Gruss sont des gens d’avenir. Au nom de l’amour, continuons ! ». Avait-elle pleinement conscience de l’impact du cirque Arlette Gruss sur l’évolution de l’art circassien ? Quoi qu’il en soit, jusqu’en 2006, date de son décès, Arlette Gruss n’aura de cesse d’innover en choyant son public, ces centaines de milliers de spectateurs fidélisés au fil des années. Pour beaucoup, la venue du cirque Arlette Gruss est un événement à ne surtout pas manquer, une émotion qui rattache à l’enfance, un spectacle féérique, magique.

Quarante ans après le tout premier spectacle, les héritiers d’Arlette – au premier rang desquels son fils Gilbert et ses petits-enfants Laura, Éros et Alexis – continuent à porter haut et fier les couleurs de la maison. Sur la piste comme en coulisses, les maîtres mots n’ont pas changé : perfection, dextérité, émotion et audace.

Dans les gradins, côté spectateurs, le spectacle sera, cette année peut-être plus encore que les autres, particulièrement prenant, avec une évocation en photos et en mots d’Arlette Gruss, et une vingtaine de numéros merveilleux, frénétiques, émouvants, excentriques… Aux 40 prochaines années !

© Cirque Arlette Gruss

La dynastie Gruss
Au début de l’année 1947, une petite trapéziste prénommée Arlette enflammait le théâtre Mogador dans l’opérette « Les Saltimbanques ». 75 ans plus tard, ses petits-enfants, Éros et Alexis, ont été faits « coup de cœur » de l’édition 2022 de « La France a un incroyable talent », show cathodique qui les a vus briller. Pour ce show anniversaire, ils reviennent, plus virevoltants que jamais, dans un nouveau numéro de niveau international.
Quant à Laura, leur grande sœur… elle est à retrouver en interview plus loin dans ce dossier !

→ Du 18 octobre  au 3 novembre Place Carnot, Nancy • Durée : 2 heures • Horaires détaillés et billetterie sur cirque-gruss.com

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Entretien avec Georgika Kobann

Veuf d’Arlette et cofondateur du Cirque Arlette Gruss, Georgika Kobann a été le témoin privilégié de sa réussite. Rencontre avec celui qui, à 82 ans, et dix-huit ans après le décès d’Arlette, en reste un maillon enthousiaste et décisif.

© Cirque Arlette  Gruss

Nous célébrons cette année les 40 ans du cirque Arlette Gruss. Auriez-vous pu imaginer que l’histoire durerait si longtemps ?

Non ! Lorsque nous avons lancé le cirque avec Arlette, tout le monde nous prédisait une durée de vie de 15 jours maximum. Arlette a voulu redonner ses lettres de noblesse au cirque français et bousculer le système. Par exemple, nous restions dans chaque ville-étape plus longtemps, pour donner davantage le choix aux spectateurs. Moyennant quoi il nous est arrivé de jouer devant 10 ou 15 personnes ! Nous aurions pu baisser les bras, mais il suffisait qu’Arlette nous dise « Que vont dire les autres ? » pour nous faire repartir. Puis d’année en année, nous avons fidélisé la clientèle, et 40 ans plus tard, nous sommes toujours là.

Combien d’années a-t-il fallu pour que la sauce prenne ?

Cela a mis 7 ans. Avant cela, tout l’argent gagné servait à améliorer le spectacle et les infrastructures dédiées à l’accueil du public, si bien que nous voyagions dans une vieille caravane trouée. La priorité a toujours été le confort du public avec, en parents d’une fille en fauteuil roulant, une attention toute particulière pour les personnes à mobilité réduite. Nous avons toujours veillé à ce qu’elles aient accès à tout, toilettes comme billetterie ou bar.

Artistiquement parlant, comment le cirque a-t-il évolué ?

Gilbert, mon fils, a pris tout l’artistique en main, en s’informant sans cesse sur ce qui se fait, sur ce qui marche. Aujourd’hui, le cirque rassemble 14 à 17 nationalités, et chaque numéro est mis en piste de manière spécifique, sur une musique propre au Cirque Arlette Gruss. Nous proposons cette année un Globe de motos, numéro époustouflant qui plait tout particulièrement aux ados. Car l’objectif est aussi là : conquérir un public de plus en plus jeune.

Arlette reconnaîtrait-elle son cirque ?

J’en suis sûr ! Nous faisons ce qu’elle a toujours fait : respecter le public et son confort, et renouveler les numéros. D’ailleurs elle est toujours auprès de moi, et entend chaque soir les applaudissements nourris du public, conformément à ses dernières volontés.

Que reste-t-il du cirque tel qu’il était en 1984 ?

Nous vivons toujours en caravanes, et prenons toujours nos quartiers d’été à Fontaines-Saint-Martin, village de la Sarthe. Là, nous mettons nos vieux animaux à la retraite, réparons le matériel et préparons la saison à venir.

Vous avez aujourd’hui 82 ans. Envisagez-vous de prendre votre retraite ?

Depuis 1989, et la fin de mon numéro avec les fauves, j’ai conservé un rôle actif au sein de la troupe, bien que moins physique. Je suis le gueulard de la famille, je dis ce qui ne va pas, je mets mon nez partout, je fais partir les convois le matin, m’occupe d’acheter le gros matériel. J’ai promis à mon fils Gilbert que je partirais à 90 ans, mais entre nous, je n’aime pas la télé ni la chasse, la pêche, ou jouer aux boules. Alors la retraite, pour quoi faire ?

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Une affiche prometteuse

Cette saison des 40 ans est marquée par une programmation enthousiasmante mêlant moments inédits et numéros marquants.

© Cirque Arlette Gruss

Sous la mention Pinollo’s Globe of speed, il y aura le Globe des motos, installation phare déjà vue chez Arlette Gruss au début des années 2010, et dont les spectateurs se souviennent. Son retour, orchestré pour les 40 ans, a valu au cirque de constituer une équipe de toute pièce. Au total, 10 motards en majorité sud-américains évolueront au sein d’une structure métallique de 6,80 mètres de diamètre, en roulant à 30 km/h. Pour corser le tout, le globe s’ouvre. Niveau de dangerosité ? Maximal. Plaisir des spectateurs ? Maximal.

Autre pépite à l’affiche, Pierre Marchand, le magicien du diabolo. Programmé au cirque Gruss il y a quelques années de cela, le plébiscite fut tel qu’il se devait de revenir… C’est chose faite. D’un bout à l’autre de la piste, il court, saute, rebondit, pour le faire plus qu’un avec ses diabolos. Sinon, comment expliquer qu’il parvienne à dénouer des nœuds littéralement inextricables ? Le Français, biberonné au diabolo depuis tout petit, est devenu une star mondiale de sa discipline. Entre charisme, savoir-faire et énergie incroyable, ses prestations sont systématiquement saluées par une standing ovation du public. 

En 2001, Linda Biasini Gruss, femme de Gilbert, évoluait sur la piste plongée dans un bol d’eau. En souvenir de ce numéro marquant, Gilbert a programmé Clio Togni et son waterball. Telle Vénus sortant de l’eau, la jeune femme jaillit d’une vasque et multiplie les équilibres avant de replonger dans l’écume. Mi-femme, mi-sirène, elle nous émerveille par sa grâce, sa souplesse et sa délicatesse, adossées à une force physique inébranlable.

Véritables touche-à-tout, les membres de la troupe sud-américaine Compañia Havana manieront, pour cette édition anniversaire, du cadre russe. Traditionnellement, le porteur propulse son partenaire dans les airs pour réaliser des acrobaties spectaculaires. Ici, le niveau de difficulté est renforcé par la présence, sur la piste, d’un trampoline d’environ 7 mètres de diamètre. Résultat ? Un feu d’artifice de saltos et pirouettes enchaînés, montrant toute l’agilité des artistes en piste. Un numéro graphique et très impressionnant.

Derrière Virtuoso 5, il y a la troupe russe Plotnikov, composée de Vladimir, Komron, Uliana, Karina et Amina. À la manière des grands numéros d’autrefois, et avec un impressionnant matériel donnant à leurs monumentales prestations des accents dramatiques, ils multiplieront les combinaisons pour former des colonnes humaines, maintenues en équilibre sur un trapèze. Un incroyable numéro de ballet aérien, entre grâce et prouesses acrobatiques.

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Spectaculaire dîner

En 2021, le cirque Arlette Gruss lançait sa formule dîner-spectacle. Année après année, le concept enregistre un succès croissant.

© FIG

Les dîners-spectacles nancéiens se dérouleront les 19 octobre et 1er novembre. Ces soirées-là, le public assistera à une transformation radicale : celle des gradins du chapiteau en salle de restaurant. Et quelle salle ! Somptueuse, elle comprend deux parties : l’une dédiée aux artistes du cirque et l’autre, aux équipes de Marcotullio, traiteur nancéien en charge de régaler les convives. Jusqu’à 600 peuvent prendre place pour déguster, tour à tour, les numéros et les plats présentés, tous ayant en commun une bonne dose d’inventivité et une extrême précision dans l’exécution.

Ces soirées-là, synchronicité, fluidité et flexibilité sont de rigueur, afin de parer aux aléas du direct. C’est pourquoi le spectacle, composé de versions cabaret des nouvelles créations, assorties de variations et de numéros inédits, est entièrement modulable. Pour le public, qui n’y voit que du feu, le show est total.

Gastronomie française

À Nancy, c’est donc Marcotullio, traiteur d’exception membre de l’association Traiteurs de France, à qui revient la noble tâche de préparer ces repas singuliers. Au menu (unique, avec option végétarienne) : goût et praticité ! Les plats servis ont en effet la double-particularité de célébrer la gastronomie française tout en étant assemblables rapidement. Pour les équipes en poste, il faut faire avec le manque de temps, l’obscurité ambiante et l’absence de cuisine.

Patricia et Jean-Louis sont des habitués du cirque Gruss et, plus particulièrement, de la formule dîner.
« La première fois, nous y sommes allés par curiosité, et avons découvert un véritable spectacle en soi. C’est formidable, magnifique, féérique ! Nous sommes littéralement emportés dans un autre monde, sur une autre planète », raconte, émue, Patricia. 

Ce qui l’a surprise avant tout ? L’organisation au cordeau. « Côté convives, il n’y a aucune attente. Entre les artistes sur scène et les serveurs en salle, tout est synchronisé. Et lorsqu’on est familier de la salle en configuration classique, comme c’est mon cas, on ne peut qu’être ébahi de la découvrir transformée en restaurant. C’est tout simplement un travail de titan ». Conquis, Jean-Louis et elle retenteront l’expérience cette année.

Au menu 2024
Entrée 
: crumble de légumes,
cœur de saumon et crème acidulée
Plat : Volaille fermière, sauce blanquette
et Tatin d’endives braisées
Dessert : Cerise sur le gâteau,
forêt noire revisitée
Eau de Vittel incluse.
Menu avec boissons : crémant d’Alsace, l’Auxerrois 3 châteaux, Pinot noir,
 café ou thé

→ Les dîners-spectacles auront lieu samedi 19 octobre et vendredi 1er novembre à 20h • Réservation au plus tard 7 jours avant la date de la représentation sur cirque-gruss.com

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« Nous cherchons sans cesse à faire mieux »

Elle aura 25 ans le 17 novembre, date à laquelle Arlette, sa « nonna », aurait fêté ses 94 ans. Laura Gruss se prépare, auprès de son père Gilbert, à prendre la relève. En piste avec ses chevaux, elle appréhende, petit à petit, les rouages de cette gigantesque machinerie.

Suivre les traces de vos parents et grands-parents, c’était l’évidence ?

Oui, bien que mes parents ne m’aient jamais obligée à rien. Je n’ai jamais eu l’idée de faire autre chose. Comme pour mes frère et sœur Alexis et Eros, aujourd’hui acrobates, devenir artiste était quelque chose de naturel.

Il y a devenir artiste et prendre un jour la tête du cirque, ce qui peut être source de pression.

Ce n’est pas le cas, puisque je l’ai toujours su. D’ailleurs c’est en train de se concrétiser : j’aide de plus en plus papa dans ses différentes tâches, que ce soit au niveau de l’artistique ou de la logistique. Évidemment, la responsabilité est grande et le stress est présent, mais c’est un bon stress. Alexis, Eros et moi-même ne lâcherons jamais cette affaire que nos grands-parents et nos parents se sont démenés pour faire avancer, toujours.

Vous innovez sans cesse. D’où vient l’inspiration ?

Surtout pas des autres cirques ! Nous considérons que chacun a sa place, chacun a son public, et sommes concentrés sur le fait d’avancer, de faire les choses à notre manière. Par exemple mon père adore tout ce qui est lumières, spectacles, concerts, ce qui l’a inspiré pour concevoir nos nouveaux éclairages. Plus largement, nous veillons à garder l’œil ouvert sur tout, en ayant toujours un coup d’avance.

Comment continuer à plaire au public ?

En cherchant en permanence à faire mieux. Ainsi, il a tout juste fini d’installer le nouveau système d’éclairages que mon père réfléchit à comment l’améliorer. Pour ce qui est des numéros, nous cherchons sans cesse à avoir de l’inédit, et les meilleurs artistes. Nous avons un groupe WhatsApp familial, sur lequel nous partageons nos petites trouvailles du quotidien, par exemple la vidéo Tik Tok d’un spectacle, d’une chorégraphie, d’un concert avec système vidéo original…


Que changeriez-vous si vous étiez aux commandes ?

Au niveau des installations, rien. J’ai un immense respect pour le travail hors norme réalisé par mon papa. Pour le reste, je n’ai pas encore de projet concret, si ce n’est continuer à chercher des numéros jamais vus en France, proposer de nouvelles technologies. Mon père m’inclut dans la préparation du prochain spectacle, et ça me plait beaucoup.

Un mot sur votre numéro ?

Je le présente en duo avec ma maman. Il se découpe en deux parties. La première met en piste 7 artistes et 7 frisons. Nous sommes vêtues d’un costume spécial « 40 ans », avec chapeau à leds. Pour la deuxième partie, je suis avec ma maman, et nos chevaux sont illuminés. C’est un très joli spectacle.

Publireportage-  Photos © Cirque Arlette Gruss,  DR