Chienne de guerre

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Du 1er au 3 mai, le Fort d’Uxegney s’empare d’un épisode peu connu de la Première Guerre mondiale. Pour faire face au premier hiver du conflit, l’Armée française fait venir des centaines de chiens de traîneaux venus d’Alaska et de la province canadienne du Labrador. De 1915 jusqu’à 1918, ceux-ci vont transporter le matériel et ravitailler les hommes dans les zones difficiles à atteindre. L’exposition du Fort raconte leur histoire.

Quand elle a commencé dans l’été 1914, la guerre ne devait pas durer longtemps. Pourtant en ce début 1915, l’hiver s’installe et le conflit aussi. Le front se déplace en Meuse et en Marne. Mais dans les Vosges, les soldats continuent à se battre. « L’hiver de cette année s’est révélé très rude avec des cumuls importants de neige. Les chemins d’accès vers les Crêtes, réalisés à la hâte avec des cailloux, sont inaccessibles pour la plupart des véhicules, que ce soit des carrioles tirées par des mulets, des bœufs ou des engins motorisés. Là-haut, les soldats attendent leur ravitaillement et il arrive difficilement », explique Pascal Durand, la tête chercheuse de l’exposition. Ce membre de l’Association pour la Restauration du Fort d’Uxegney et de la Place d’Épinal, passionné ferroviaire, enquête au départ sur le chemin de fer reliant Fraize aux Crêtes. Il tombe alors sur des photographies avec ces chiens de traîneaux. Il devient alors nécessaire de détisser le nœud de  cette énigme historique.

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L’enquête suit son cours

Un premier nom émerge : Louis Moufflet. « C’est un personnage passionnant. Ce chasseur alpin participe aux premières batailles de 1914. Gravement blessé, il est laissé pour mort, soigné par les Allemands puis rendu aux Français. Juste avant la guerre, il avait pris un congé sans solde pour participer à la Ruée vers l’or en Alaska. Il avait alors acheté une concession là-bas et y fait connaissance avec les chiens d’attelages », continue Pascal Durand. En 1913, le capitaine Moufflet suggère déjà à l’Armée française de faire appel à ces animaux entraînés pour se mouvoir en montagne. Elle se moque d’abord de lui, puis s’empare finalement de son idée. D’autres protagonistes s’ajouteront à cette aventure comme le lieutenant Haas ou Scotty Allan, un Écossais rentré plus tard dans la légende grâce aux livres de Jack London. Tous ont vécu de plus ou moins loin cette course à la pépite et connaissent très bien ces animaux. Le feu vert de l’Armée est donné. Moufflet et Haas partent en expédition. Moufflet s’arrête au Québec et cherche les chiens du cœur de traîneau. Haas rejoint l’Alaska pour négocier auprès des Inuits cent mushers, ceux en tête d’attelage.

Le chenil Hahnenbrunnen

L’arrivée en France

Au total, plus de quatre-cent-trente bêtes vont traverser l’océan Atlantique sur un vieux rafiot, dont la vie a été prolongée à cause de la guerre. Elles se retrouvent ensuite dans deux chenils sur les Crêtes, l’un du côté vosgien, l’autre versant alsacien. Elles serviront aux côtés de chasseurs alpins formés pour travailler dans la section spéciale d’équipages canins d’Alaska. En 1918, seuls deux cents de ces Poilus d’un nouveau genre ont survécu à la guerre. Ils ne repartirent jamais de France. Que devinrent-ils alors ? La réponse est encore hypothétique mais peut-être ont-ils servis à développer des élevages de chiens de traîneaux dans l’hexagone. Pascal Durand a mené de longues recherches pour retrouver leur trace. Dans l’exposition, de nombreuses photos ont capté des instants de cette vie éphémère. Du 1er au 3 mai, le Fort d’Uxegney ravive ce pan de la guerre avec des démonstrations et baptêmes d’attelages de chiens menés par le club Nanook de Bischwiller, la reconstitution de deux wagonnets utilisés sur la voie ferrée des Crêtes, des figurants de l’association des Poilus de la Marne… Cet hommage fort aux Poilus d’Alaska se poursuivra fin 2015 par la pose d’une stèle près de l’ancien chenil alsacien. L’hiver est venu, et ces chiens l’ont combattu.

Plus d’informations : fort-uxegney.pagesperso-orange.fr