Artiste de l’humain

1065

La première rétrospective de l’artiste alsacien Paul Ficklinger est à admirer à l’Abbaye des Prémontrés de Pont-à-Mousson jusqu’au 22 septembre. 

«Je crée des choses qui ont du sens. Je souhaite que les gens ressentent une émotion lorsqu’ils regardent mes œuvres. » À quelques jours de l’ouverture de l’exposition « Ficklinger. De 7 à 77 ans », l’artiste est en pleine installation. Pendant près de quatre mois, plus d’une centaine d’œuvres retraçant sa carrière investiront l’Abbaye des Prémontrés ainsi que ses jardins. « Ce n’est pas la première fois que je viens exposer dans ce lieu magnifique, mais il s’agit de ma première rétrospective. » Est-ce le bon moment, dans sa carrière, pour construire cette rétrospective ? À cette question, Paul Ficklinger répond simplement : « Je ne pense pas qu’il y ait un bon moment. Vous savez, je prends la vie comme elle vient, je n’ai pas d’embarras. Je me lève chaque jour avec le sourire, rejoignant mon atelier. »

« Dieu sans les hommes est un rêve vide »

Né en 1941 à Colmar et vivant à Metz, Paul Flickinger est un artiste pluridisciplinaire dont la diversité s’est sans cesse renouvelée. Éclectique, il nourrit son œuvre d’un croisement de techniques et d’une égale compétence pour la peinture, la sculpture et le métissage des matières. Si son langage artistique est inspiré d’un Picasso ou d’un Dali, c’est à l’art brut que sa sculpture s’apparente, rappelant les univers d’un Gaston Chaissac ou d’un Dubuffet. À 14 ans, Paul Flickinger découvre Le Retable d’Issenheim de Mathias Grünewald au Musée Unterlinden de Colmar. « Le choc. Pour moi, il s’agit du chef d’œuvre de la peinture allemande de la fin du 15e siècle qui s’achève dans cette quête d’un langage expressif, original, intense, tendu, mais aussi gracieux. Son Christ de la crucifixion devient une figure monumentale profondément mystique. » Dans l’église abbatiale, l’artiste expose ses créations autour du Retable : il peint sur de l’altuglas®, un plastique malléable et incassable. Des tons colorés, des coups de crayon stylisés : chaque tableau renvoie au Christ de Grünewald. Avec une réflexion théologique : « Dieu est une invention de l’homme. Nous pouvons croire, nous pouvons rêver, nous pouvons espérer, nous ne pouvons pas savoir. Il nous reste à réfléchir, à inventer, à imaginer. » Pendant 10 mois, Paul Flickinger tourne autour de cette question de croyance, d’humanité. « Dieu sans les hommes est un rêve vide », « Nier, douter ou croire ? » sont autant de messages que Paul Ficklinger veut faire passer, en les retrouvant habilement dans ses œuvres. 

Penseur et engagé

En 70 ans de création, l’œuvre et la technique de l’artiste alsacien ont évolué. Dans le Jardin des Senteurs, le focus est donné sur son volet « Les hommes en devenir ». « Mes sculptures représentent en fait une visage coupé en deux, légèrement asymétrique. L’homme est alors en devenir car il n’est jamais parfait, il peut toujours mieux faire, s’élever. Il s’agit, en fait, de « Voir » ce que l’on est. » 

Artiste penseur, artiste engagé, Paul Ficlinkger s’est toujours inspiré des grands maîtres de l’art. Mais aussi de la littérature à l’image du Don Quichotte de Cervantès. « C’est l’image de la lutte contre des moulins à vent, contre l’inutile. Selon moi, aujourd’hui, les hommes se battent pour rien. Cervantès assume la folie de son personnage comme une forme supérieure de sagesse, telle est la leçon à retenir du « Quichotte ». Cervantès, c’est aussi atteindre l’âge de la vieillesse, et prendre la mesure de la vacuité et des chimères de nos existences. » 

À côté de créations plus anciennes, Paul Ficklinger fait aussi le choix de présenter des œuvres très actuelles, en lien avec l’actualité. Se définissant humblement comme « lanceur d’alerte », l’artiste s’empare du thème de la catastrophe écologique que l’humanité est en train de vivre. « Plus d’un million d’espèces sont menacées par l’homme aujourd’hui ! 500 mammifères ont disparu en 500 ans. Vous voyez, ici je peins une femme qui a derrière elle tout ce qu’on est en train de perdre : mais si elle veut continuer à procréer, nous avons plus qu’intérêt à prendre soin de la Vie qui nous entoure. » 

Apéro’Expo

L’Abbaye des Prémontrés organise, dans le cadre de cet événement, un « apéro’expo » le 24 mai prochain (sur réservation), en présence de l’artiste. Des visites commentées les 5 et 26 juin, 4 et 18 septembre seront aussi proposées.

 

Du 11 mai au 22 septembre
Tous les jours, de 10h à 18h
(Accès à l’abbatiale en semaine et les dimanches après-midi)

Tarifs : 8 €, 5 €
Renseignements : 03 83 81 10 32 ou abbaye-premontres.com

 

PUBLI-REPORTAGE • Photos © DR