« Alicia Paz Explorations au féminin » au château de Haroué

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© Stephen & Co, London

Du 26 mai au 3 novembre, le Centre des monuments nationaux invite Alicia Paz à présenter son travail au château de Haroué.

Joyau de l’architecture lorraine du XVIIIème siècle et propriété de la famille des Beauvau-Craon depuis huit générations. L’exposition, dont le commissariat est assuré par Bénédicte Delay, rassemble des œuvres de différentes périodes et des pièces nouvelles en partie inspirée par les collections et la vie de la princesse Minnie de Beauvau-Craon disparue en mai 2023.

Alicia Paz est née en 1967 et a grandi au Mexique, avant de vivre aux États-Unis, en France, en Allemagne et aujourd’hui au Royaume- Uni. Son parcours nomade et son sentiment d’identité « arborescente » l’invitent à explorer les notions de migration, de généalogies et d’échanges interculturels.

Parce qu’ils reflètent sa propre hybridité culturelle, les représentations d’azulejos occupent une place centrale dans ses peintures. En effet, dès le XVIe siècle, il est possible de suivre les routes du commerce de ces carreaux en céramique au décor bleu et blanc, produits de l’art islamique, de la Chine vers l’Espagne en passant par le Mexique, puis vers l’Angleterre, le Portugal et les Pays-Bas, produisant mille et une variations au fil des étapes.

Le va-et-vient entre la peinture sur céramique et la céramique peinte en trompe-l’oeil fascine Alicia Paz, tout autant que le concept de la grille et celui du fragment. Les représentations de joints à la peinture jaune entre les carreaux aux contours imparfaits évoquent la technique du kintsugi – « jointure en or » qui rend visibles les accidents et les considèrent comme sources d’enrichissement et de beauté. Le parallèle avec la notion de kintsugi peut être élargi à l’ensemble des portraits d’Alicia Paz dans la mesure où l’artiste emploie des “cadres” dorés, théâtraux et baroques qui mettent en valeur des personnages féminins trop longtemps marginalisés et symbolisent ainsi une forme de réparation historique.

Avec ses multiples portraits de femmes de la série Juntas (Ensemble) 2021 – 2024, l’artiste célèbre les luttes et l’histoire remarquable, souvent méconnue, de la vie de celles qui l’ont inspirée et soutenue tout au long de son parcours : des écrivaines, des artistes, des chanteuses, des scientifiques ou tout simplement des amies. Son vocabulaire allie avec une grande liberté arts décoratifs et artisanat, baroque et photographie, matière et trompe-l’œil et crée un univers poétique propice à une conversation imaginaire commune entre ces femmes, à travers différentes époques et différents continents. Le féminisme s’affirme ici comme camaraderie entre femmes, porteuse de soutien et productrice d’identité individuelle.

Le bleu, les thèmes de l’eau et du voyage sont par ailleurs omniprésents dans l’œuvre de l’artiste ; l’eau comme métaphore non seulement de la fluidité de l’identité mais aussi du mouvement perpétuel et de la connexion entre les femmes du monde entier.

« Mon utilisation du bleu, ma représentation de bateaux et de vagues dans certaines de mes œuvres et même ma représentation de femmes pirates (…) sont une façon pour moi de rendre hommage à des explorations courageuses et créatives de soi, qui sont aussi profondes et vastes que l’océan ! » Alicia Paz.

Quelques œuvres plus anciennes ponctuent le parcours de la visite du château, clins d’œil de l’artiste en résonnance avec le lieu comme le double portrait carnavalesque « Laughing Wall, Wailing Wall » (Mur des rires, Mur des Lamentations), 2016 et « Tears of Laughter » (Larmes de rire), 2019, pied-denez aux portrait historique officiels, les portraits de femmes-fleurs masquées de la série Dark Flora (2011 – 2012) évocateurs de l’ambiance libertine des fêtes organisées à Haroué au XVIIIème siècle par la ravissante marquise de Boufflers ou encore le ‘livre-peinture’ Sol (2019), dont le portrait fantastique invite à se laisser porter par la beauté enchanteresse du château.

Le château de Haroué

Le prince Marc de Beauvau-Craon prit possession des terres de Haroué en 1720 et fit immédiatement appel à l’architecte Germain Boffrand pour reconstruire le château médiéval réaménagé pour les Bassompierre à la fin du XVIe siècle. Boffrand avait travaillé sur des chantiers royaux avant de se tourner vers des clients privés, parmi lesquels le duc de Lorraine, Léopold Ier, dont Marc de Beauvau était le grand écuyer. A Haroué, Boffrand conserva les douves du château médiéval et s’adapta à sa structure avec quatre tours cantonnant un corps de logis principal et deux ailes. Les travaux de ce chef-d’œuvre de l’architecture française du XVIIIe siècle s’achevèrent en 1729. Les grilles de la cour d’honneur, ainsi que les ferronneries des balcons et de l’escalier d’honneur, ont longtemps été attribuées à Jean Lamour auteur des grilles de la place Stanislas à Nancy. Elles sont en réalité l’oeuvre du serrurier Pierre Barthélémy qui s’illustra sur le chantier de Lunéville. Les statues des jardins, dues à Barthélemy Guibal, sont en revanche un point commun indubitable avec la place Stanislas puisque Guibal fut un des principaux auxiliaires de son architecte, Emmanuel Heré.

Situé au coeur d’un domaine de 16 hectares, le château est resté dans la même famille depuis sa construction et conserve des collections exceptionnelles, notamment un remarquable ensemble de tapisseries appartenant à l’Etat. Il est aujourd’hui encore habité par Monsieur Sebastian Botana de Beauvau et Madame Victoria Botana de Beauvau. Le château de Haroué témoigne du goût et de l’art de vivre d’une famille de la haute noblesse de province ; il y règne un esprit familial et chaleureux.

Depuis l’année 2021, le château de Haroué est ouvert au public par le Centre des monuments nationaux dans le cadre d’un partenariat avec la famille de Beauvau-Craon, propriétaire.

→ Explorations au féminin Du 26 mai au 3 novembre au Château de Haroué, 54740.  Nombre de visiteurs limité – Visite commentée uniquement (pas de visite libre). Les visiteurs sont invités à consulter en amont de leur visite le site chateau-haroue.fr – Tél. : 07 85 64 37 11 Mail : [email protected]

Photos © Musée des Beaux-Arts de Nancy / JYL, DR