La Ligue contre le cancer a 100 ans

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En 1918, sous l’impulsion de Henri Hartmann et du docteur Sonia Fabre, Justin Godart fonde la Ligue France-anglo-américaine contre le cancer.

À l’époque sous-secrétaire d’Etat au Service de Santé, Justin Godart comprend vite que « le cancer est un péril social, une maladie sociale. Et parce que c’est un mal social, il convient que ce soit la société qui le combatte. » Au lendemain de la Première Guerre mondiale, le cancer menaçait de nombreuses personnes. Une mobilisation était plus que nécessaire. Humaniste et visionnaire, Justin Godart donne rapidement une ambition internationale à son combat en fondant l’Union internationale contre le cancer (UICC) en 1935.

Au fondement de la Ligue, Justin Godart veut transformer le modèle de santé d’après-guerre en modèle opérationnel et efficace. Il impulse les quatre grandes orientations de cette nouvelle association de lutte contre le cancer : être proche des malades et lutter contre l’isolement et les stigmatisations, investir le champ de la recherche pour comprendre la maladie, informer la population en la prévenant des facteurs de risques et faire évoluer le regard porté sur la maladie. Ces quatre missions sociales restent aujourd’hui les mêmes, 100 ans après, pour la Ligue Nationale contre le cancer.

60% de guérison des cancers

« La Ligue contre le cancer est une association privée. Elle est le premier financeur privé et indépendant de la recherche contre le cancer en France » souligne Jean-Pierre Pilon, directeur du Comité 54 de la Ligue contre le cancer. Chaque année, elle soutient plus de 900 projets de recherche. Avec environ 5% de guérison en 1918, la Ligue peut s’enorgueillir d’avoir contribué aux progrès de la recherche permettant aujourd’hui près de 60 % de guérison des cancers. « Si la Ligue et les donateurs n’avaient pas répondu présent, la recherche n’en serait pas là. Comme toute association concernant des maladies, nous aimerions ne plus exister. Mais aujourd’hui, il faut être conscient que 40% des cancers sont liés à nos comportements : cigarette, alcool, malbouffe… mais malheureusement également liés à notre environnement : gaz carbonique, pesticides… » poursuit Jean-Pierre Pilon.

Nouvelle ère : la prévention

Considérer le malade et mettre l’humain au cœur du processus de prise en charge : c’est l’un des objectifs primordiaux de la Ligue depuis sa création. En 1998 ont été organisés les premiers Etats généraux des malades atteints de cancer. Le mot d’ordre donné par le professeur Henri Pujol, élu président de la Ligue contre le cancer en 1998, est de « soigner avec humanité et faire passer l’Homme avant l’organe ». Plus tard, les Etats généraux de 2004, en présence du Président Jacques Chirac, ont mis l’accent sur la place sociale des personnes malades, en l’élargissant aux proches.

Alors que la Ligue fête ses 100 ans, cette année 2018 marque un nouveau tournant : « Du curatif, nous passons aujourd’hui dans une ère de prévention. C’est notre priorité. Lorsque l’on sait que 9 cancers colorectaux sur 10 peuvent être soignés s’ils sont pris à temps, notre objectif est de sensibiliser la population au dépistage » explique Jean-Pierre Pilon. Les 20 et 21 novembre se dérouleront les premiers États généraux de la prévention des cancers. Tous les acteurs de la prévention sont invités : les scientifiques, les élus, les associations, les malades, leurs proches et tous ceux qui se sentent concernés par la lutte contre le cancer. Un dossier de Pauline Overney

Plus de renseignements : ligue-cancer.net

3 questions à Jean-Pierre Pilon

Directeur du Comité 54 de la Ligue contre le cancer

La Ligue contre le cancer fête ses 100 ans d’existence, quel bilan depuis sa création ?

Une progression réfléchie, construite, structurée, tout en impliquant la priorité sur l’humain. La Ligue est une grande association reconnue qui, au fil du temps a souvent solidifié des racines humaines, sociales et sociétales. Créatrice, incitative, portant la parole des malades, des proches, grâce à des initiatives majeures comme les États Généraux des malades atteints de cancer, aux différents Plans Cancer, à la signature d’un protocole d’accord sur le droit à l’oubli et, pour cette année, les 1ers États-Généraux de la Prévention des cancers. Depuis 100 ans, la Ligue contre le cancer est et reste le principal acteur associatif engagé, pour réduire l’incidence et la mortalité liées au cancer. Grâce à la générosité, à l’engagement de ses militants, la Ligue lutte sur tous les fronts de la maladie.

Quels sont les prochains grands objectifs de la Ligue ?

Les objectifs communs à nos engagements : aide à la recherche, la prévention et le dépistage, l’action pour les malades et les proches, la mobilisation de la société contre le cancer. En 1918, Justin Godart décidait de créer une grande coalition pour lutter contre le cancer. Il la voulait large, populaire, locale, nationale, européenne et internationale. Elle déploierait ses talents sur tous les fronts de la maladie et ferait de la lutte contre le cancer, un modèle permettant de dépasser les conformismes, d’unir et de fédérer. Elle favoriserait la lutte contre les inégalités sanitaires et sociales, préfigurerait ce que deviendront la sécurité sociale et la solidarité « à la française ». Cent and plus tard, la feuille de route fixée dès l’origine n’a pas pris une ride et reste toujours notre carnet de route !

Où en sont les États Généraux de la prévention ?

À l’instar des États Généraux des personnes malades, organisés 1998, la Ligue contre le cancer souhaite mobiliser cette année, bien au-delà des seules personnes malades et de leurs proches, tous les acteurs concernés sur la prévention des cancers. Pour organiser ce nouveau combat, la Ligue organise des ateliers tout au long de cette année, et réunira les 20 et 21 novembre l’ensemble des acteurs concernés : patients, proches, aidants, soignants, chercheurs, associatifs, communauté éducative, institutionnels et politiques… pour construire de façon partagée un plan d’action pertinent pour prévenir les risques de cancer dans la population. Les objectifs étant de conforter les points de vue de différents acteurs de la prévention, en donnant une place importante à ceux de la société civile. Construire ensemble des propositions novatrices pour faire avancer la prévention des cancers en France. Ainsi, à l’occasion de son centenaire, la Ligue renouvelle ses engagements originels en les inscrivant dans son époque et dans son futur, grâce à vous toutes et tous, pour la réalisation de ses missions et la construction de son avenir, afin de pouvoir continuer de jouer pleinement et à sa mesure son rôle dans la lutte contre le cancer.

La Ligue dans les airs

À l’occasion du centenaire de la Ligue contre le cancer, le comité 54 s’associe au championnat de France de Montgolfières lors d’un Challenge Ligue.

Du 27 juillet au 5 août, l’Air Show Legend Grand Est, sur l’aérodrome de Lunéville-Chanteheux-Croismare accueille la 44e édition du championnat de France de Montgolfières. Cette compétition sportive, placée sous l’égide de la Fédération Française d’Aérostation, promet un spectacle grandiose pour petits et grands. Entre les épreuves de précision, de vitesse, de distance ou encore de maniabilité, cet événement est aussi l’occasion de faire découvrir l’aérostation au public avec une pléiade d’animations : voltige aérienne, exposition d’avions actuels ou de légende, spectacle de gonflage de nuit, challenge européen de mini-montgolfières… Le tout, dans une ambiance rappelant le célèbre feuilleton « Les Têtes Brûlées ».

Challenge de la Ligue contre le cancer

« Pour les 100 ans de la Ligue, nous voulions organiser quelque chose de fort pour marquer le coup » souligne Jean-Pierre Pilon. « J’ai appelé Serge Claude, le directeur d’organisation du championnat pour lui proposer un partenariat. Il a tout de suite accepté ! » Concrètement, le 27 juillet débutera par le « Challenge de la Ligue contre le cancer ». L’ensemble des montgolfières participantes  au championnat de France (au moins une cinquantaine) se lanceront dans la compétition sur le thème « Challenge de la Ligue contre le cancer – Centenaire ». « Le soir, une récompense sera donnée pour les vainqueurs par le Comité 54. » À titre symbolique, mais lourd de sens, le comité 54 de la Ligue invitera également chacun à un « lâcher de lampions chinois » : « Tout le monde pourra porter une pensée profonde par ce que la maladie génère ou a généré » ajoute Jean- Pierre Pilon. « L’ensemble des porteurs de lampions lanceront dans la nuit tombante l’éclairage de nos meilleures pensées pour toutes celles et ceux qui souffrent. »

Tout au long du championnat, le Comité 54 sera présent à travers un stand et une animation « Jardin du Vent ». Des éoliennes et des moulins à vent seront exposés : « Lorsque l’on est malade, on a l’impression de se battre dans le vent. Ici, la symbolique est de montrer qu’il faut faire corps avec le vent pour se battre avec lui. Utiliser la force de l’autre et en faire un allié. » Un livre des « mots dire » sera à disposition des visiteurs (50 000 à 100 000 selon les organisateurs) pour que chacun puisse écrire une pensée. Toutes seront retranscrites sur une guirlande de fanions à l’égide de la Ligue contre le cancer.

Challenge Ligue le 27 juillet. Entrée libre • Renseignements : [email protected] et tourisme-lunevillois.com

Soirée de présentation

Le 12 juillet, le comité 54 de la Ligue convie un public invité à une soirée de présentation du challenge à l’hippodrome de Nancy Brabois. « Cette soirée sera sur le thème “têtes brûlées – pin-up”, le dress code souhaité par les organisateurs du championnat de France de montgolfières » explique Jean-Pierre Pilon. Trois ballons gonflés de 30 mètres seront arrimés au cœur de l’hippodrome. L’animation sera assurée par Jérôme Masselin qui déroulera le programme à venir.

Focus sur le Comité 54 de la Ligue

Le Comité 54 de la Ligue contre le cancer fait partie des 103 Comités départements. En 2016, il a fêté ses 60 ans.

L’escale bien-être

« La Ligue est une association qui met l’humain au cœur de son projet, le malade mais aussi ses proches » insiste Jean-Pierre Pilon. Le Comité 54 a mis en place une « escale bien-être » pour que les patients et leurs proches retrouvent des moments de convivialité et puissent se ressourcer. L’escale bien-être propose gratuitement de « soins de support » : de l’activité physique adaptée avec un coach spécialisé pour réduire les effets secondaires et améliorer la qualité de vie par exemple. Mais aussi des ateliers de cuisine-santé pour retrouver un équilibre alimentaire. Des soins de socio-esthétique pour apprendre à prendre soin de son corps, notamment en période de chimiothérapie. Enfin, des séances de sophrologie pour profiter d’un moment de relaxation. « L’idée est de retourner à l’estime de soi. Nous sommes plus en phase avec une maladie quand on est armé sur le plan physique. » Aujourd’hui, l’escale bien-être bénéficie à 80 personnes sur les antennes de Nancy et de Longuyon.

L’Espace 54

Mis en place en 2018 par une équipe de bénévoles dynamiques, l’Espace 54 proposent aux patients des activités mensuelles pour celles et ceux qui ont envie de passer des moments ludiques et conviviaux. « On anime ensemble des ateliers » explique Thérèse, bénévole depuis 2017. « Ca s’adresse à tout le monde puisque l’on peut passer des arts floraux, à la couture, à des balades en vélo… Récemment, nous avons eu l’intervention d’une spécialiste en homéopathie pour nous donner des conseils sur les traitements à prendre avant et pendant le processus de soin. » Véritable espace de partage et de parole, les activités sont gratuites et s’adressent aussi bien aux malades qu’aux proches.

Les actions du Comité 54

Depuis 60 ans, le Comité 54 met toute son énergie au service de la Ligue contre le cancer. Chaque année, elle organise plusieurs événements destinés à la récolte de fonds : Octobre Rose, Mars Bleu, Une Rose, Un Espoir font partie des plus importants et rassemblent, chaque année, de plus en plus de personnes. L’année dernière, les différentes actions du Comité 54 ont permis l’achat d’un mammographe pour le centre hospitalier Hôtel Dieu de Mont-Saint-Martin ou encore l’acquisition d’un module de cryobiopsie pour le CHRU de Nancy. « Les fonds récoltés en 2018 iront principalement à la dématérialisation des clichés de radios de mammographies » souligne Jean-Pierre Pilon. « Nous investissons également dans la recherche pour développer l’hôpital virtuel. »

Comité 54 Ligue contre le cancer • 1 Rue du Vivarais à Vandœuvre-lès-Nancy • Renseignements : 03 83 53 14 14 ou ligue-cancer.net/cd54/journal

Entretien avec Thérèse et Josette

Respectivement bénévole et vice-présidente du Comité 54 de la Ligue contre le cancer

Depuis quand êtes-vous bénévoles à la Ligue ?

Josette : Depuis 2011. Comme je dis toujours, « j’ai eu la chance d’avoir un cancer ». J’étais quelqu’un d’indépendant. Du fait de la maladie, je suis devenue bénéficiaire des premiers soins de support de la Ligue 54 : la socio-esthétique et l’activité physique adaptée. Ça m’a permis de me créer un cocoon. Je suis devenue bénévole quand mon état de santé me l’a permis et je suis devenue vice-présidente le mois dernier.

Thérèse : J’ai eu un premier cancer en 2000 et j’ai récidivé 16 ans après. J’ai connu la Ligue via le bouche à oreille. L’association recherchait des bénévoles pour Octobre Rose l’année dernière. J’ai intégré une équipe sympa, nous avons fait un défilé de mode fin octobre. Depuis, je me suis engagée et nous avons créé « L’espace 54 » où nous proposons différents ateliers.

La Ligue vous a aidées à un moment de votre vie. C’était naturel pour vous d’aider les autres en retour ?

T : En tout cas, le fait de participer à des projets augmente l’énergie. Je ne sais pas combien de temps je l’aurais mais j’aime pouvoir la transmettre et l’insuffler aux autres.

J : Après notre hospitalisation, la Ligue nous permet de re-communiquer avec les gens. Aujourd’hui, avec notre antenne à Longuyon, 80 personnes bénéficient de nos soins de support. Ici, on ne parle pas de la maladie, nous sommes dans une « ambiance d’oubli », pour permettre aux patients et à leurs proches de s’évader.

Que vous inspirent les 100 ans de la Ligue ?

J : C’est un gage de stabilité et de sérieux. Nous sommes une association privée. Grâce à la Ligue, il existe aujourd’hui une meilleure prise en charge de la maladie, on vit plus longtemps avec le cancer. Si la Ligue n’existait pas, et si les donateurs n’existaient pas, nous n’en serions pas là aujourd’hui car la Ligue est le 1er financeur de la recherche privée en France. La ligue travaille pour les hommes et pour l’humain.

Le département est en ce moment dans la phase d’expérimentation du « patient ressource » : ces patients qui racontent leurs expériences aux futurs soignants. Qu’en pensez-vous ?

J : Je pense que les soignants n’ont pas encore pris conscience de la personne. Ici l’objectif est de remettre le malade au cœur du processus de soin. Mais sans régler nos comptes ! Nous essayons de renvoyer certaines paroles ou d’expliquer certains actes pour que la prise en charge soit meilleure à l’avenir. Les patients ont beaucoup de choses à dire. La souffrance du malade doit être prise en compte.

Vous avez justement vécu ce manque d’humanisme lorsque vous étiez malades ?

T : Personnellement, l’annonce de mon cancer a été brutale, avec un examen bref en me disant « on opère, prenez rendez-vous avec ma secrétaire ». Arrivée devant elle, j’avais la gorge serrée. Elle m’a donné un flyer avec le numéro de téléphone d’infirmières si j’avais besoin de parler. J’ai été hospitalisé deux jours mais l’opération m’a été proposée en ambulatoire, ce que j’ai refusé. Le relais et le suivi de cet acte chirurgical est assuré par l’infirmière à domicile  qui vient le temps qu’il faut (dimanche et fêtes compris) pour changer le « redon », « faire le pansement » et « contrôler la cicatrisation ». Elle a un rôle important. Je peux dire que j’ai été bien soignée.

Vous avez des projets pour le Comité 54 ?

J : Il est vrai que nous avons 11 000 adhérents qui aident à faire vivre le comité 54. Mais, il y a trop peu de bénéficiaires qui profitent des soins de supports. Nous en sommes l’exemple avec Thérèse : nous avons connu les activités un peu par hasard. Nous avons beaucoup d’informations lorsque l’on apprend la maladie. L’idéal serait d’avoir d’une « infirmière de sortie » qui nous redirigerait vers la Ligue par exemple. Nous avons besoin de faire connaître les actions et les propositions de la Ligue 54. Il faut aussi que nous amenions l’information lors de nos différentes interventions. Propos recueillis par Pauline Overney

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