Alfred Renaudin ou l’art des paysages sublimés

1899

Dernier peintre paysagiste lorrain, Alfred Renaudin ( 1866-1944 ) laisse derrière lui un patrimoine artistique remarquable. La ville de Toul lui rend hommage dans une exposition inédite dédiée, au Musée d’Art et d’Histoire Michel Hachet.

Je veux qu’on se promène dans mes toiles. Je n’ai d’autre ambition que de faire éprouver aux autres, devant mes tableaux, ce que j’ai éprouvé moi-même devant la nature. » Tout au long de sa carrière, Alfred Renaudin a été fidèle à lui-même. Considéré comme l’un des plus grands peintres paysagistes de l’entre-deux-guerres, l’artiste ne s’est pas conformé aux modes de son époque et n’a pas basculé dans l’impressionnisme ou le pointillisme. Là où le vent menait Alfred Renaudin, il posait son chevalet et contemplait le paysage qui se dressait devant lui : « Il est d’ailleurs surnommé “le peintre des paysages” » souligne Olivier Bena, président-fondateur de l’association Les Amis d’Alfred Renaudin. « Je le considère comme un témoin de son temps, un chantre de la ruralité. Il a peint les villages, les villes comme Paris. Il a aussi peint les fleurs, les fleuves, les monuments. » 

Jusqu’au 7 février 2021, 83 tableaux, jamais montrés au grand public, sont exposés au Musée d’Art & d’Histoire Michel Hachet de Toul. Pour la première fois, deux collectionneurs ont accepté de prêter ces œuvres inédites qui retracent l’ensemble de la carrière du peintre. Un grand tableau représentant Rovin-sur-Meuse et un grand vase en faïence décoré par Renaudin lui-même sont également exposés. 

Alfred Renaudin, « Fontenoy » 1930 © Serge Domini éditeur, clichés Olivier Dancy.

Un talent indéniable

Alfred Renaudin naît à Laneuveville-lès-Raon, près de Raon-L’Etape. Il grandit dans une famille modeste, son père étant garde barrière. Après l’incendie de la maison familiale en 1870 par des soldats prussiens, il quitte les Vosges et s’installe à Croismare, près de Lunéville. Artiste dans l’âme, Renaudin rejoint alors la faïencerie Keller et Guérin de Lunéville en 1881. « Très vite, ses patrons remarquent chez lui un talent indéniable » raconte Francine Roze, ancienne directrice du Musée Lorrain et commissaire de l’exposition. « Ils l’encouragent à suivre des cours du soir à l’École des Beaux-Arts de Nancy où il rencontre le directeur de l’établissement Jules Larcher. Il découvre alors les œuvres des plus grands maîtres de l’époque. » Pour parfaire sa technique, Alfred Renaudin prend la direction de Paris et rencontre le paysagiste Henri Harpignies, qui devient son maître, tout en fréquentant d’autres ateliers de peintres. L’œuvre d’Edmond-Marie Petitjean restera, sans conteste, l’une de ses plus grandes influences.

Depuis son adolescence, Alfred Renaudin est fasciné par les paysages. Son sens inné de la composition, son regard contemplatif sur le monde qui l’entoure, son trait de peinture précis et sa grande qualité de coloriste l’amènent à bâtir une œuvre remarquable. Au fil du temps, ses promenades deviennent des voyages : « En 1982, il part pour l’Afrique en passant par l’Egypte, la Tunisie, l’Algérie. Mais il a aussi visité les pays du nord comme l’Écosse ou les Pays-Bas. Son séjour en Italie l’a aussi beaucoup marqué » détaille Francine Roze. Il rend alors avec talent l’ampleur des paysages et le détail des scènes rurales.

 Alfred Renaudin, « Commercy », 1912, huile sur toile, 37 x 49 cm, coll. part. © Serge Domini éditeur, clichés Olivier Dancy.

Un grand ouvrage dédié 

Ayant vécu les trois guerres, Renaudin demeure aussi un témoin authentique de son époque et du passage des conflits comme à Gerbéviller la martyre ou à Verdun : « Ce que j’aime dans cet aspect de son travail c’est que dans ces scènes de désolation, on trouve toujours une lueur d’espoir » appuie Olivier Bena. À Francine Roze d’ajouter : « Alfred Renaudin est une mine iconographique précieuse. Il a par exemple peint le village de Ménil-Flin, près de Lunéville, avant qu’il ne soit ravagé par la Seconde Guerre mondiale. Nous pouvons ainsi savoir à quoi ressemblait ce village à l’époque. » Même si son champ de travail principal reste la Lorraine, l’artiste a aussi vécu à Fontannes, en Auvergne, dont il peint la campagne avoisinante. Il reçoit de nombreuses récompenses officielles et des médailles lors des Salons des Artistes Français entre 1890 et 1944, bien que son atelier soit ravagé par un incendie en 1942. Entre temps, Alfred Renaudin se marie avec Marie-Marguerite Zeller, rencontrée à Val-et-Châtillon, fille de Jules Zeller, directeur de l’usine textile Bechmann. « Nous pensons que le peintre et sa famille vivaient bien puisqu’Alfred Renaudin achète, après 1901, l’une des plus belles maisons de Nancy, au 51 rue Pasteur » précise Francine Roze. 

En parallèle à cette exposition est présenté un grand livre dédié à ces tableaux inédits, co-écrit par Francine Roze, Olivier Bena, Alde Harmand ( maire de la ville de Toul ) et Elisabeth Thomas, petite-fille d’Alfred Renaudin. Cet ouvrage de référence revient sur 150 tableaux, aquarelles et dessins sélectionnés parmi ses plus belles œuvres sur ses grands thèmes de prédilection : la Lorraine, Paris, l’Auvergne…

Alfred Renaudin, « Notre Dame de Paris » 1919, huile sur toile, 49 x 73 cm, coll. part. © Serge Domini éditeur, clichés Olivier Dancy.

Alfred Renaudin s’éteint brusquement en 1944. Plus de 70 ans après, l’association Les Amis d’Alfred Renaudin œuvre pour faire connaître et reconnaître cet artiste au style immuable, en recherchant ses œuvres et en organisant différents événements autour du peintre. Alfred Renaudin repose au cimetière de Val-et-Châtillon. On estime à 1 000 tableaux l’œuvre qu’il reste de cet artiste : certains étant conservés au Musée Lorrain, au Musée du Château de Lunéville – qui a le plus beau fonds Renaudin de la région – mais aussi au Musée d’Art & d’Histoire de Toul ou encore au Musée Montmartre à Paris. 

Pauline Overney

Jusqu’au 7 février 2021 au Musée d’Art & d’Histoire Michel Hachet de Toul • Entrée gratuite tous les jours de 10h à 12h30 et de 13h30 à 18h. Samedi, dimanche et 11 novembre : de 13h à 18h. Musée fermé le mardi et certains jours fériés : 1er novembre, 24, 25 et 31 décembre 2020, et 1er janvier 2021 • Renseignements : 03 83 64 13 38 ou toul.fr 

Programmation culturelle en marge de l’exposition 

© S.C.

Pas perdus dans le Musée 

les 25 octobre et 20 décembre à 14h30. Tout public à partir de 6 ans. Visite guidée et commentée du Musée avec un focus sur l’exposition rétrospective consacrée au peintre lorrain Alfred Renaudin.

Entrée libre, sur réservation obligatoire au 03 83 64 13 38

 
À la rencontre d’Alfred Renaudin, peintre du bel été 

24 octobre de 14h30 à 16h30. Visite à travers les œuvres du peintre lorrain. 

Tarif : 3€, sur réservation au 03 83 64 13 38 ou à [email protected]

 Visite-Conférence

7 novembre à 17h. Visite guidée de l’exposition d’Alfred Renaudin suivie d’une conférence. 

Entrée libre, sur réservation obligatoire au 03 83 64 13 38

Nuit des Musées

14 novembre de 18 à 22h. Initialement programmées comme tous les ans au mois de mai, les animations proposées dans le cadre de la 16e édition de la Nuit des Musées ont été reportées exceptionnellement cette année au mois de novembre. L’occasion de découvrir le Musée sous un autre angle, plus automnal certes mais toujours aussi animé !

Entrée libre

 “Troncs, lignes et écorces verticales” 

19 décembre de 14h30 à 16h30. Visite à travers les œuvres du peintre lorrain.

Tarif : 3 €, sur réservation obligatoire au 03 83 64 13 38 à [email protected] 

JEUNE PUBLIC 

 “Le musée des tout-petits” 

les 21 et 28 octobre, 4 novembre 2020 et 6 janvier 2021 à 16h. Visite contée pour enfants âgés de 2 à 5 ans ( collections permanentes )

  “Les Contes du musée : apprends-moi l’histoire” 

les 22 & 29 octobre, 2 décembre 2020 et 3 février 2021 à 16h . Visite contée pour enfants âgés de + 5 ans (collections permanentes)

Gratuit, sur réservation au 03 83 64 13 38

Entretien avec Alde Harmand, maire de la ville de Toul

Alde Harmand © Ville de Toul

Pourquoi la ville de Toul a-t-elle choisi de porter cette exposition consacrée à Alfred Renaudin ? 

Cela fait plusieurs années que la ville de Toul s’investit dans des cycles de grandes expositions. La dernière date de juin 2019 sur la faïencerie de Toul-Bellevue dont un livre a été édité par Serge Domini. Celui-ci avait déjà rencontré les deux propriétaires des œuvres d’Alfred Renaudin exposées au Musée d’Art & d’Histoire Michel Hachet et il cherchait un lieu pour exposer ces collections. J’ai tout de suite été partant pour ce projet car il s’agit d’une exposition inédite, avec des tableaux jamais montrés au grand public. 

Quel genre de peintre était Alfred Renaudin ? 

C’était le peintre de la ruralité, des paysages. Mais dans cette exposition, nous découvrons aussi son travail sur la thématique des fleurs, ses peintures de la ville de Paris également, ce qui est très intéressant. 

Qu’est-ce qui vous séduit, vous personnellement, dans son œuvre ? 

Alfred Renaudin a suivi une formation académique et n’a suivi aucune évolution des modes de son époque. Il est resté fidèle à lui-même tout au long de sa carrière. Dans chacun de ses tableaux, on retrouve sa patte, sa précision et surtout cette magnifique luminosité. 

Alfred Renaudin est d’ailleurs toujours avec vous à la mairie…

Oui, j’ai un tableau de Renaudin représentant une vue de Toul dans mon bureau. J’en suis ailleurs orphelin actuellement puisque cette œuvre est exposée au Musée d’Art & d’Histoire Michel Hachet ! 

Cette exposition rassemble plus de 80 tableaux, jamais exposés comme vous nous l’avez dit. Ça doit être une grande émotion pour les deux collectionneurs. 

Oui, je crois qu’ils sont vraiment ravis de cette exposition et de voir aussi leurs deux collections exposées ensemble. Pour l’anecdote, ils avaient chacun une peinture d’un même village mais avec une approche différente de la part de Renaudin. C’est aussi une manière de redécouvrir son œuvre et de la mettre en perspective.

Vous avez une formation en Histoire de l’art et vous avez co-écrit l’ouvrage grand format consacré à Alfred Renaudin édité en parallèle de cette exposition. Pourquoi n’y-a-t-il pas eu un livre aussi important avant ?

Il y en a eu, notamment lors de la grande rétrospective Renaudin au château de Lunéville en 2015. Mais je crois que ce livre se démarque par le travail remarquable de recherche et de compilation des œuvres, réalisé par Francine Roze, la commissaire de l’exposition. Les lecteurs pourront découvrir certains aspects de la vie du peintre, ainsi que la centaine de tableaux que nous décrivons. 

Cette exposition fait bien sûr partie de l’offre culturelle de Toul. Comment la Ville s’est adaptée à la crise sanitaire ? 

Nous vivons une période difficile, ce n’est un secret pour personne. Notre cinéma et notre médiathèque ont pu rouvrir, mais sous un protocole sanitaire strict. La programmation de la salle de l’Arsenal est majoritairement reportée, les troupes de théâtre ou les chorales n’ont pas pu remonter sur scène. Nous croisons les doigts pour que la crise sanitaire évolue, dans le bon sens, pour qu’au printemps prochain nous reprenions une vie plus « normale » car nous fêterons aussi le 8e centenaire de la cathédrale de Toul avec une riche programmation prévue de mars 2021 à juin 2022. 

Pouvez-vous annoncer les prochains grands rendez-vous culturels à Toul ?

La situation sanitaire m’oblige à rester prudent ! Aujourd’hui, nous invitons les habitants et les touristes à découvrir cette magnifique exposition d’Alfred Renaudin : ils peuvent venir en toute sécurité, les gestes barrières et les mesures sanitaires en vigueur sont bien sûr respectés. Il y a également un cycle en cours à la Médiathèque sur la thématique des super-héros mêlant expositions, ateliers jeux, ateliers dessins, conférences… et qui se clôturera, si tout va bien, par une soirée au Citea le 28 novembre.

Propos recueillis par Pauline Overney

Photos © Alfred Renaudin, Serge Domini éditeur, clichés Olivier Dancy, Ville de Toul.