L’Autre Canal, d’utilité publique

2973
Mississipi Yeah © L'Autre Canal

Il y a la scène et les coulisses, le champ et le contre-champ. Connu pour sa programmation éclectique et ambitieuse, L’Autre Canal met en œuvre, en tant qu’établissement public, une politique d’action culturelle totale et audacieuse. Explications.

Mission propre aux salles de musiques actuelles (SMAC), l’action culturelle est, à L’Autre Canal, gérée en toute transversalité par le pôle programmation & production artistique (en la personne d’Hadrien Wissler-Bonnot, chargé de l’action artistique et d’Alain Brohard, son directeur) et par le pôle développement culturel (à travers Lorraine Gasser, chargée de l’action culturelle, et Bruno Berard Bergery son directeur). Une équipe unanime quant à la nécessité de faire bouger les lignes. « Nous voulons démonter l’idée d’une action culturelle menée sur la base d’un cahier des charges précis, pour des publics spécifiques. Tout le monde a besoin de culture ! », insiste Hadrien Wissler-Bonnot. Et parce qu’elle ne doit pas être la cinquième roue du carrosse,« le parent pauvre de la programmation, la diffusion », décision a été prise de fortifier la politique d’action culturelle en lui dédiant deux postes à temps plein (ceux d’Hadrien et de Lorraine).

Plus généralement, l’action culturelle est, ici, volontairement considérée comme un champ d’actions à part. « A dessein, nous entremêlons les choses de manière à ne pas faire primer la diffusion (les concerts) sur l’action culturelle, laquelle est envisagée comme une action globale à la fois culturelle, pédagogique et artistique », précise Bruno Berard Bergery.

Vacances électroniques © L’Autre Canal

Le choix des artistes

Parmi les artistes sélectionnés pour devenir intervenants, certains ont foulé la scène de l’Autre Canal le temps d’un concert, d’autres ont été partie prenante à un programme d’accompagnement. Certains font de l’action culturelle un à-côté, d’autres en vivent à titre principal. Tous ont en tout cas été identifiés comme « ayant quelque chose à offrir », et tous acceptent de s’engager à long terme pour cette activité artistique annexe à la scène. Ainsi Pascal Bouaziz, écrivain, poète, compositeur et membre du groupe Mendelson, interviendra bientôt dans le cadre d’un parcours autour du Haïku auprès de patients du CPN… Quand AXMOS animera, lui, plusieurs ateliers de percussions pour des publics malvoyants et aveugles. 

Adepte inconditionnel du collectif, L’Autre Canal veille à appuyer son action sur ses partenaires associatifs, institutionnels, du monde culturel, souvent via des conventions établies à l’année. « Nous rencontrons les structures sociales et associatives pour mieux connaître leurs envies et besoins, leurs objectifs, et pouvoir leur proposer des actions, des projets cohérents », précise Lorraine, plus particulièrement en charge des publics et structures. Contact pris, charge à Hadrien d’identifier, en lien avec les artistes identifiés, quelles actions peuvent être mises en place, de la simple rencontre, pré-concert, avec l’artiste, au parcours intégrant la participation à un filage, à un atelier de pratique artistique.

Atelier écriture © L’Autre Canal

Démocratisation et implication

Objectif commun à ces différents moyens d’action : la démocratisation de la culture et de la pratique artistique. « Nous combattons toute idée de verticalité, de l’artiste sacré ; nous démythifions la musique », souligne Hadrien Wissler-Bonnot. Une proposition à laquelle les artistes, avides de nouvelles expériences en proximité avec leur public, souscriraient d’ailleurs de plus en plus…

Autre enjeu : ouvrir le bâtiment aux publics éloignés de l’univers des musiques actuelles en leur permettant de le visiter, d’en comprendre le fonctionnement et d’en devenir, à terme, les prescripteurs. « Notre action ne doit surtout pas se limiter au cercle des amateurs de musique. En élargissant notre public, nous renforçons l’ancrage territorial de l’Autre Canal », souligne Bruno Berard Bergery. Alignant ses actes sur ses discours, l’équipe de la SMAC nancéienne multiplie les occasions de rencontre – l’équipe prépare actuellement les prochaines portes-ouvertes, le 13 mars prochain – avec une ambition : faire de L’Autre Canal un lieu d’échange, un lieu de vie.

3 questions à Marie RIEFFLY

Chanteuse et bassiste du groupe Hoboken Division

HOboken Division © Hadrien Wissler

En quoi a consisté l’intervention Mississipi Yeah ? 

Elle a été chamboulée par le Covid… Mais en théorie, nous devions animer six mois d’ateliers avec douze classes de grande section et de CP du territoire avec, à la fin, un concert de restitution en présence de tous les enfants. L’objectif était de créer du lien entre les deux niveaux et ce faisant, de faciliter le passage d’une classe à l’autre… Il était impossible de réunir tous les enfants pour la restitution, alors à la place du concert, L’Autre Canal a mobilisé un studio mobile avec deux ingénieurs pour enregistrer chaque chanson et en faire un vrai album de rock/blues.

Concrètement, comment cela s’est-il organisé ? 

Nous sommes intervenus de janvier à juin 2021, en commençant par rencontrer les maîtresses et les maîtres afin de dégager une thématique globale, en l’occurrence les émotions. Dès lors, avec Mathieu, guitariste du groupe, nous nous sommes rendus une fois par semaine dans chaque classe à raison de trois quarts d’heure par groupe. Mathieu s’occupait de la partie découverte de l’instrument, des ambiances créées avec la guitare et moi des paroles, des mélodies.

Ce nouveau public vous a-t-il demandé certaines adaptations ? 

Nous n’avions jamais interagi avec des enfants… Mais nos appréhensions se sont vites dissipées. Les enfants disent ce qu’ils pensent, quand ils ne comprennent pas, ou n’aiment pas, ce qui permet d’avancer rapidement. Et entre 5 et 7 ans, ils sont ouverts à tout ! Très peu sont restés hermétiques à l’exercice. Certains se sont mêmes découverts un certain talent ! De notre côté, nous avons veillé à simplifier les choses musicalement, à arrondir les angles… Avec le recul, on se dit qu’on aurait pu oser davantage. Ce que l’on retient de cette expérience ? Que la musique parle à tout le monde, et que pouvoir s’exprimer à travers elle est une chance.

Mississippi Yeah, film tiré de l’intervention de Hoboken Division en milieu scolaire, est à voir sur le site de L’Autre Canal et sur ses réseaux sociaux.

Propos recueillis par Cécile Mouton

Plus d’infos : Autre Canal Nancy • 03 83 38 44 88 • lautrecanalnancy.fr/missions/action-artistique-et-culturelle • Facebook : @LAutreCanalNancy
 Photos © L'Autre Canal, Hadrien Wissler, DR