Une fois ? Deux fois ? Trois fois ? Adjugé !

471

Voilà près de 30 ans que Maître Sylvie Teitgen disperse objets (parfois d’art) et meubles dans sa salle des ventes du Placieux. Entre deux coups de marteau, elle a bien voulu répondre à nos questions.

Presque chaque semaine, Me Teitgen propose à la vente une multitude d’objets. Ces derniers sont parfois surprenants : voitures, scies, etc. Tous ne sont pas des œuvres d’art valant des milliers d’euros. Les salles des ventes souffrent de nombreux préjugés que Me Teitgen voudrait bien voir disparaitre.

Qu’est-ce qui vous a poussé à faire ce métier ?

« Au départ, je voulais être journaliste, car on voit du monde, et puis le hasard s’en est mêlé. Je ne connaissais pas ce milieu par ma famille. Je ne suis pas tombé dans le creuset des salles des ventes, je n’étais du sérail… J’ai découvert la salle comme étudiante en droit à Besançon en suivant celui qui allait devenir mon mari. Lui avait cette culture, sa mère était dans les musées à Paris. Je l’ai suivi et j’ai découvert une ambiance extraordinaire : un peu jeu, un peu bizarre. C’est devenu comme un virus. On y retourne. J’aimais les objets d’art, les musées, mais la salle donne une ambiance ; il y a un côté commerce, marketing. Il faut savoir mettre en avant un objet pour bien le vendre. Ça a vraiment changé ma vie. Il faut combattre cette réticence trop commune « Oh non, ce n’est pas fait pour moi, c’est réservé à une élite, à des riches ». Ce n’est pas vrai. Il y a un côté découverte très sympa. Il y a toujours une recherche à faire, un coup de cœur, des artistes méconnus à redécouvrir. Ces aspects sont même plus plaisants que l’objet d’art en lui-même. D’ailleurs, les objets d’art ne représentent que 2 % des objets vendus… mais tous les objets ont une histoire, un aspect sociologique. Ils s’inscrivent tous dans l’histoire des hommes ».

Etant une femme, les débuts ont-ils été simples ?

« Non, loin de là. On pardonne plus de choses à un homme. Pour tenir une salle et diriger une vente, il faut de l’autorité, or c’est bien moins perçu de la part d’une femme. Les choses évoluent quand même et c’est aujourd’hui plus facile. La parité est là chez les nouveaux collègues. A l’époque, c’était dur, j’ai même dû ruser pour trouver un stage, car personne ne voulait d’une femme. Je ne suis donc fait engagée comme secrétaire. Au bout de quinze jours, Me Clavel s’est rendu compte que je ne savais pas taper à la machine. Je lui ai alors avoué que c’était l’unique moyen pour une femme de rentrer dans la place. Il en a ri et m’a dit OK. J’ai ensuite été chez Me Gauthier à Belfort, où j’ai beaucoup appris à son contact ».

Avec le recul, des regrets ?

« Aucun, ni sur le fait de m’être installée, ni d’avoir choisi Nancy. Elle est au cœur de l’Ecole de Nancy. J’ai eu des objets à vendre auxquels je n’aurais jamais pensé. Le patrimoine est ici très riche. Tous les siècles ont eu en Lorraine un âge d’or. Peinture, gravure, faïence, mobilier, verrerie… il y a une très grande valeur patrimoniale locale qu’on ne retrouve nul part ailleurs. Et puis, j’ai pu me spécialisée [Ecole de Nancy et Jean Prouvé, ndlr]. C’est très important pour bien travailler. Cela permet une autre approche des ventes ».
Des rêves encore à réaliser ?
« C’est un rêve tous les jours. Ma collection, ce sont les objets que je vends. Je rêve finalement de ce que je n’ai pas encore. Le trésor quotidien, ce sont les découvertes que je fais.
Pour ce qui est de la collection, on ne peut pas l’être en étant commissaire-priseur. On n’a pas envie de garder ; et puis il faut rester impartial tant envers le vendeur que l’acheteur. Ma collection est éphémère. On sait que l’on va passer d’un objet à l’autre. J’ai collectionné étant jeune, cela m’a donné une connaissance. Aujourd’hui, je n’ai plus envie d’accumuler ».

Me Teitgen aime profondément Nancy, sa ville d’adoption. Le musée de l’Ecole de Nancy bien sûr, mais aussi la place Stanislas. Nous serions tenté d’ajouter qu’elle aime aussi sa salle. Allez faire un tour pour vous en rendre compte ; vous verrez qu’on y devient vite accroc.

Salle des ventes Anticthermal, 12-14 rue du Placieux, Nancy • www.anticthermal.com