Philippe Frappart cultive l’or rouge

859

Parcours atypique que celui de cet artisan qui fait pousser du safran au cœur du vignoble toulois.

De ses expériences de travailleur en service d’urgence sociale, de moniteur de spéléologie ou d’animateur culturel et de comédien sur une péniche, Philippe Frappart s’est forgé une indéniable patine humaine. A 43 ans, cet habitant de Domgermain, verte et paisible commune du Toulois, a un jour choisi de donner à sa destinée un détour inattendu : « J’ai depuis toujours eu l’âme écologique et recherché le contact avec la nature. » Voilà six ans, il décide de s’installer sur les hauteurs du village, dans une ferme qu’il rénove, aux côtés de sa compagne, Karine. A deux pas des bois et du bruissement des feuillages, l’endroit respire l’authentique et la quiétude.

La culture terrienne

Philippe Frappart s’en amuse : « C’est sûr, on ne voit pas grand monde et en hiver, on ne bouge pas ! » Il passe son enfance à Cirey-sur-Vezouze, aux confluents des Vosges et de la Meurthe-et-Moselle, à quelques encablures des pentes du Donon. De ses origines, il n’a jamais perdu cette culture terrienne, empreinte de patience et de bon sens. Arrivé dans le Toulois, il commence par bichonner son potager. Puis, en 2009, Karine lui suggère l’idée : faire pousser du safran. Cela se fera d’abord modestement pour un usage domestique. De fil en aiguille, le projet se fait jour : produire du safran en grande quantité sur le sol argilo-calcaire du plateau de Domgermain, en plein cœur du vignoble toulois. Philippe Frappart se renseigne, prend conseil auprès d’un professionnel en Alsace : « En fait, j’y suis allé au feeling sans trop me poser de questions. » A l’été 2010, il prend la direction du Maroc, plus précisément à Taliouine dans les terres montagneuses de l’Atlas. Là, il découvre son trésor : du safran haut de gamme d’une infinie pureté, extrait du pistil du crocus savitus. Il négocie 100 000 bulbes qu’il fait livrer à Domgermain. Il va alors les planter inlassablement. Un par un avant de les récolter.

Safran de Lorraine

En septembre de cette même année, Philippe Frappart voit éclore le fruit de son labeur et extrait 400 précieux grammes qu’il affine. Il propose aux restaurateurs, aux épiciers et aux particuliers un produit estampillé « Safran de Lorraine ». La curiosité est réelle… et les premières commandes arrivent. Du safran, Philippe Frappart parle avec passion, faisant sentir des odeurs uniques donnant des envies de voyage, expliquant le cheminement de la plantation jusqu’à la mise sous conditionnement. Parce qu’un jour, il a eu envie de renouer avec la nature et d’en vivre, il a donné corps à 5000 m2 de plantations, à proximité de sa maisonnée. Tout cet ouvrage est fait à la main, sans ajout de produits chimiques (une certification bio est en cours). Philippe Frappart va même jusqu’à fabriquer la cire qui scelle les bouchons en liège des verrines. Le safran est une denrée recherchée, en stigmates ou en poudre, cultivée depuis 40 siècles. Idéal pour donner de l’amertume aux aliments salés ou sucrés, exalter, colorer, donner un air de fête aux plats. Ainsi 1 gramme suffit pour cuisiner entre 80 et 100 assiettes de mets. Philippe Frappart a appris à aimer, à domestiquer « son » safran. De temps à autre, des touristes font halte. Il est alors heureux d’accueillir ces curieux, venus découvrir le safran toulois, unique en son genre et déjà envié par sa qualité (une idée originale pour un cadeau d’anniversaires, une St. Valentin…). Leur hôte a même aménagé un endroit dans sa grange où chacun peut se reposer… au milieu des bottes de pailles. Avec un sourire, il ajoute : « Malgré le côté rustique des lieux, tous semblent apprécier. » Et les randonneurs ne manquent pas de s’arrêter devant la safranière d’où les fleurs sortent de terre, d’abord petites pousses blanches puis bientôt fragiles merveilles couleur  violine, offrant un splendide paysage de carte postale. Ici, dans la campagne  lorraine, pousse un délicat or rouge dit aussi roi des épices. Savez-vous également que l’on appelle les habitants de Cirey-sur-Vezouze, les Loups ? A pas feutrés, Philippe Frappart a suivi sa piste qui l’a mené vers un dessein à la rencontre de sa propre histoire.

Contact  : 112 rue St-Maurice à Domgermain • 03 83 62 32 83 + 06 12 34 57 32 • www.safrandelorraine.fr