Eve Maurice, viticultrice – Ses vignes, son jardin

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C’était une petite fille et son grand jardin. Elle jouait, dans les années 80 dans l’immense potager familial, qui avait jadis été une vigne. Sur les terres de la famille Maurice, les guerres, les calamités agricoles et l’industrialisation de la Moselle avaient eu raison d’un domaine qui avait sa revanche à prendre. La revanche prend aujourd’hui les traits de la passion, incarnée par une jeune et jolie femme qui prolonge la renaissance d’un domaine viticole devenu AOC. Son nouveau jardin.

Ni papa ni maman ne sont nés les mains dans les cuves. Mais plus que la maison de famille, sur la place Foch d’Ancy-sur-Moselle, la petite Eve préférait prendre cette légère hauteur, quelques centaines de mètres plus haut, au delà des derniers bois. Ces petites pentes de terres et leur vue imprenable sur le lit de la Moselle. «J’ai toujours su qu’il y avait eu des vignes à cet endroit-là. Mais, quand j’étais toute jeune, l’endroit était simplement le potager de mon grand-père. Des arbres fruitiers modestes, mais un magnifique terrain de jeux pour mon frère Alain et moi. Le plus beau des jardins d’enfant » raconte Eve.
Les coteaux de Moselle sont très vite devenus une terre de vin dans la famille Maurice. Quand le papa, Michel, quitte tous les soirs son boulot de technicien de maintenance chez PSA, dans les années 80, c’est à la vigne, tout juste plantée, qu’il va. Le père, le grand-père, tout le monde y met du sien : « Il y avait une vigne, une vigne il y aura. » Au fil des ans, les pieds des vignes remplacent les arbres, et pour Michel Maurice, l’activité viticole prend vite de l’ampleur. Mais jamais au point d’en faire son métier.

Comme un sillon tracé

La carte postale redorée, le paysage semble s’endormir dans la torpeur d’un domaine oublié. C’était sans compter sur le parcours d’Eve, partie faire ses études en Bourgogne –chercher l’intrus – pour continuer dans une spécialisation « commerce du vin » à Beaune et un diplôme d’œnologue obtenu en Suisse. Aujourd’hui, Eve jette un œil réaliste sur ce parcours : «C’est comme si tout devait me rapprocher de cette activité. Même si je suis revenue d’abord par l’Alsace, je savais au fond de moi que toute cette histoire m’emmènerait ici, sur mes terres. »
Mais la Moselle n’est pas le Pérou, encore moins le Bordelais. Y faire du vin demande des sacrifices, des efforts journaliers. A partir de 2008, Eve Maurice reprend la tête de l’exploitation. Elle vivra jour après jour, saison après saison, la vie de sa vigne. Sa science, sa théorie, et surtout son envie deviendront sa marque de fabrique, imprimée dans les grappes au fur et à mesure que le raisin prend sa valeur.
Eve aime travailler en famille. Mais Eve aime convaincre son entourage, démontrer que  l’heure est au grand virage. Celui de la conquête – enfin – des lettres de noblesse : l’appellation d’origine contrôlée. Elle arrivera en 2010. Pour Eve, loin d’être une consécration, l’AOC sera une émulation. L’envie de faire mieux : «L’AOC est une super aventure, elle a permis aux producteurs, peu nombreux mais dispersés, de se rassembler. Un partage des expériences qui nous a tous enrichis. L’AOC nous a permis de mettre en lumière des vins finalement méconnus. »

L’atout touristique

Femme de son temps, Eve Maurice a bien conscience aujourd’hui de pratiquer une activité qui s’insère dans un territoire et de profiter d’une nouvelle attractivité : «On ne peut pas nier qu’il y a – y compris dans notre secteur d’activité – un effet TGV Est, un effet Pompidou Metz, autant de raisons qui profitent à l’image de la Moselle, et donc, à celle de la toute nouvelle route des vins de Moselle. »
Le jardin d’Eve a bien grandi. Les feuilles de vignes entourent désormais un fruit que l’on défend comme la nouvelle carte de visite d’un terroir qui mérite le détour. Sur les meilleures tables de Nancy ou de Metz, l’AOC domaine Les Béliers, vient rappeler que le vin de l’Est de la France se décline aussi en Moselle.
Après une année 2012 calamiteuse, durant laquelle les intempéries joutaient avec les sangliers pour détruire les récoltes, 2013 s’annonce bien : «A moins d’un gros pépin, explique Eve en touchant les grains réchauffés par le soleil, ce millésime devrait être très bon. Les raisins sont beaux, les conditions météo sont idéales. »
Eve évoque souvent la possibilité de s’agrandir. Elle parle de développement, d’impératifs et de cahier des charges liés à l’AOC. Mais en cette fin d’été, on imagine surtout dans ses yeux la lueur qui devait être la sienne, enfant,  sous les arbres fruitiers.
Une forme d’envie, une sorte de gourmandise, qui la conduira pour une nouvelle saison jusqu’aux vendanges.

Plus d’infos sur www.domainelesbeliers.com