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Mémento de l’avant

La possibilité perpétuelle du « tout, tout de suite » change profondément notre rapport au monde. Avec l’immédiateté devenue réflexe collectif, le changement de paradigme est si fondamental que l’on peine à se souvenir de l’avant.
Ce film qui m’aurait valu, il y a quelques années, de me précipiter au cinéma, patientera bien quelques semaines de plus, le temps pour lui de se retrouver sur une plateforme sans avoir, pour moi, à bouger du canapé. C’était comment déjà, l’avant Netflix ?
Et l’avant Amazon, ça ressemblait à quoi ? On patientait pour de vrai ? Oui, et pire : on remplissait notre panier sans l’aide d’un catalogue mondialisé.
Et l’avant internet ? Quand j’étais enfant, les courses se faisaient en proximité, non par sens inné du devoir mais parce qu’il n’y avait pas d’autre choix. Quant à l’acte d’achat, il impliquait une dépense de deux natures : financière ET physique.
Et quid de l’avant portable ? Tu loupais ton bus, avec pour conséquence un retard majeur au rendez-vous avec l’être aimé, et tu n’avais aucun moyen de prévenir ou de t’excuser. Tu n’avais que tes yeux pour pleurer.
Il me faut faire un effort majeur pour revenir à ces « avant »-là, et quand j’y parviens, c’est sans nostalgie, mais avec une sensation étrange de dépaysement.
La Lorraine Notre Signature, ambitieuse démarche de qualité à la une de ce numéro, pratique sans doute elle aussi la livraison, mais nous encourage surtout, et ce depuis 30 ans, à nous reconnecter à ce qui compte : la qualité, l’authenticité, la proximité, et le choix, en responsabilité, d’artisans et acteurs passionnés.
Dans quel ordre, ces priorités ? Vous trancherez !

Cécile Mouton