Un logement pas comme les autres

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Alors que les maisons bâties sur plusieurs étages ou biscornues peinent à trouver preneur sur le marché immobilier classique, ces défauts deviennent des atouts entre les mains de spécialistes.

«Clientèle branchée et aisée cherche bien original avec du cachet ». C’est ce type d’annonce immobilière qui pourrait illustrer un marché de niche en plein essor, celui des logements hors normes. À l’heure où tout le monde veut se différencier de son voisin, en s’inspirant paradoxalement des magazines de décoration suivis par des milliers de fanas du design, des agences immobilières ont fait le pari de répondre aux attentes d’une clientèle avertie aux goûts hétéroclites. Et le succès est au rendez-vous, comme en atteste le développement du réseau Espaces atypiques. Après avoir lancé sa première agence à Paris en 2008, la société est aujourd’hui devenue un réseau franchisé florissant qui comptera une quinzaine d’agences en France d’ici fin 2016.

Valoriser l’originalité

À en croire les émissions télévisées immobilières, l’atypisme constituerait pourtant un frein certain à la vente. Point noir ou atout, qui a raison ? « Les professionnels peuvent parfois considérer que l’atypisme d’un bien est un défaut dans la mesure où il ne va pas plaire à tout le monde et par là même réduire le nombre d’acquéreurs potentiels », nous explique Julien Haussy, fondateur du réseau Espaces atypiques. À l’inverse, cet entrepreneur a fait de l’originalité des habitations une marque de fabrique qui attire naturellement un public ciblé : « alors que les agences classiques ont tendance à cacher ou à minimiser des particularités hors normes perçues comme des défauts, notre démarche consiste à mettre cet atypisme en avant et à le valoriser auprès d’une clientèle spécifique ». Tandis qu’une famille lambda préférera peut-être avoir un lieu de stockage plutôt qu’une cave aménagée, des musiciens en feront par exemple un critère primordial pour pouvoir répéter sans se mettre à dos tout le voisinage.

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Biscornu mais pas trop

Si pour Julien Haussy, il suffit donc de « trouver le bon couvercle pour le bon pot », il ne s’agit toutefois pas de vendre n’importe quelle maison biscornue à des excentriques. « Notre clientèle est épicurienne, branchée, avec un côté artiste et se passionne pour l’architecture et le design. » Recherchant le coup de cœur à tout prix, ces couples avertis, âgés de 30 à 40 ans, ont le plus souvent déjà été propriétaires et disposent d’une enveloppe confortable allant de 400 000 à 800 000 €. Autant dire qu’à ce tarif-là, le corps de ferme, l’ancien couvent et le bâtiment industriel ont intérêt à avoir été entièrement repensés et redécorés par un architecte ! On l’aura compris, la différence entre des imperfections et du cachet est donc une affaire de goût et surtout de budget…

Un marché technique

D’après les estimations de Julien Haussy, « les biens atypiques représentent entre 5 et 10 % du marché immobilier ». Non seulement ces logements sont difficiles à identifier mais ils demandent également « beaucoup de technicité ». « Parce que ces biens sont originaux, l’estimation de leur prix est déjà plus délicate, nous explique le fondateur d’Espaces atypiques. Mais il faut aussi faire des recherches plus poussées que d’ordinaire pour pouvoir les vendre, notamment concernant le respect des règles d’urbanisme. » Le changement d’affectation permettant de transformer l’ancienne biscuiterie en loft design a-t-il bien été réalisé ? La mezzanine contemporaine a-t-elle été déclarée à la copropriété ? Les projets d’extension sont-ils possibles ? Ce sont autant de questions que les acheteurs vont poser.  Julie Polizzi

Photos © Espaces atypiques, DR