Vétérinaire, naturaliste de terrain et photographe animalier, Régis Cavignaux observe la faune et la flore depuis sa tendre enfance. Focus sur un passionné.
Rares sont les personnes qui, à l’âge de trois ans, savent déjà ce qu’elles veulent faire plus tard. Régis Cavignaux, lui, n’en a jamais douté. Ce sera vétérinaire, et rien d’autre. Installé aujourd’hui dans le Grand Nancy, Régis Cavignaux est diplômé de l’école vétérinaire d’Alfort : « J’ai fait mes débuts comme vétérinaire de campagne et je suis spécialisé depuis 10 ans dans les “NAC” ou “Nouveaux Animaux de Compagnie” comme les rongeurs, les reptiles et les oiseaux. » L’homme s’occupe aussi des animaux issus de la faune sauvage, blessés et souvent retrouvés par des passants : « Nous les traitons avant de les envoyer au centre de soins qui se situe au-dessus de Metz. J’ai toujours apprécié la faune sauvage et il a fallu choisir : je me suis spécialisé pour me dégager du temps pour mon autre passion, la photographie. »
Vers l’âge de 7 ou 8 ans, Régis Cavignaux prend en main pour la première fois son Instamatic. Il voit un rouge-gorge et s’empresse de le photographier : « Et là, déception. Après avoir attendu que la photo soit développée, je vois ce bout de papier avec un point rouge au milieu alors que j’avais parfaitement vu l’oiseau… » s’amuse-t-il. À 18 ans, il se consacre sérieusement à sa passion en acquérant, avec son frère, du matériel photographique professionnel.
Souvenirs de voyage
Depuis 30 ans, Régis Cavignaux parcourt le monde à la découverte de nouvelles espèces. De ses voyages, il garde des souvenirs forts : « J’ai rencontré les bonobos au Congo pendant 15 jours » raconte-t-il. « Des jeunes singes, souvent orphelins… C’est comme avoir des gamins autour de vous. Lorsque l’on croise leurs regards, quasiment humains… on ne peut plus supporter de les voir en cage. » Même émotion avec les gorilles en Ouganda : « J’en vois un, la tête sur le côté, songeur. Je me demande s’il réfléchit à notre monde, à l’action des humains sur son milieu naturel. » Même si la population des gorilles a doublé en 20 an, « leur milieu naturel, la forêt, elle, ne se multiplie pas et est souvent le théâtre de guerres civiles. »
En Afrique toujours, Régis Cavignaux se souvient d’une scène étonnante : alors qu’il était avec un groupe, tous aperçoivent un blaireau africain tentant de dévorer une tortue léopard, presque aussi grosse que lui ! « Au final il ne lui a mangé que la patte et l’a laissée là, mutilée. Parfois, la nature est dure à regarder. » Le photographe se remémore des moments plus doux, comme cette scène de famille entre un renardeau et ses petits rencontrés l’an dernier : « J’étais à moins de 10 mètres d’eux et ils n’ont pas bougé. Parfois, on semble être accepté par les animaux… c’est une sensation de bonheur incroyable. »
« J’en ai rêvé pendant 10 ans de cette photo ! »
Le photographe est lauréat du prestigieux concours international Wildlife Photographer of the Year 2004 et 2007 : « Je considère les prix comme une reconnaissance des professionnels du milieu de la photo. Ce sont des clichés qui resteront, comme celui du hibou moyen-duc qui a fait le tour du monde. J’en ai rêvé pendant 10 ans de cette photo ! » Régis Cavignaux a également publié des ouvrages, d’abord en 2002 sur ses voyages puis il s’est consacré à une série sur le « peuple du chemin creux ». « Il s’agit en fait du chemin que je parcours tous les jours, dans un rayon de 15 kilomètres autour de Champenoux lors duquel je croise des animaux du quotidien comme les lièvres, les blaireaux, les renards, les fouines… » Avec ses anecdotes de balades, au fil des saisons, Régis Cavignaux espère mettre en lumière ces espèces peu photographiées mais tout aussi intéressantes : « Je me rends compte que les enfants savent à quoi ressemble un éléphant mais pas une belette par exemple ! » Amoureux de la nature, l’homme photographie aussi les insectes, les plantes, les paysages… Ses clichés sont colorés, vivantes : « Une photo réussie, c’est quand on ne s’est pas fait repérer par les animaux » souligne-t-il. « L’idée est de prendre l’espèce dans son milieu naturel, dans des attitudes un peu décalées ou insolites, mais pas d’avoir un animal figé car terrorisé par notre présence. »
Même si son terrain de prédilection reste la Lorraine, Régis Cavignaux voyage deux à trois fois par an. Juste avant le confinement, le photographe était à Madagascar et repart, à la fin du mois d’octobre, au Kenya pour y observer les grands félins. Eternel optimiste, le naturaliste est loin d’être fataliste : « Récemment, on a vu que si on laissait la nature un peu tranquille, elle reprenait ses droits. Je veux y croire et me dire que ce n’est pas trop tard car elle a un potentiel de puissance de vie incroyable. »
Pauline Overney
Le regard du hibou
« Comme chaque hiver, les hiboux moyen-ducs se rassemblent en dortoir et passent la journée dans une haie touffue. J’ai choisi une matinée particulièrement froide pour réaliser cette image à l’approche, avançant pas à pas vers les oiseaux cachés au cœur de la végétation. Au moindre signe d’agitation ou d’inquiétude, je devais m’arrêter et attendre le retour au calme avant de reprendre ma lente progression. Il m’a fallu plus d’une heure pour arriver à quelques mètres de mon modèle. Les iris de l’oiseau se fondaient parmi les baies rutilantes d’un églantier. Une débauche de couleurs parmi les teintes pastel de l’hiver. J’ai attendu que l’oiseau ouvre largement les yeux pour déclencher. En enfonçant le bouton, je savais que je tenais une bonne image. »
© Régis Cavignaux
Cette photo de Régis Cavignaux a été primée au concours international Wildlife Photographer of the Year 2007 organisé par la BBC, catégorie « portrait » et a fait le tour du monde.
Parcours de Régis Cavignaux
1976 • Débuts en photos animalière avec son frère
1979 • Premier voyage lointain pour découvrir et photographier la faune nord-américaine
1980 • Découverte de l’Afrique et de sa faune, premier voyage d’une longue série sur le continent noir
1982 • Diplômé de l’école vétérinaire d’Alfort
1983 • Entrée à l’agence BIOS et premier reportage • les dragons de Komodo
2002 • Sortie de son premier livre « Instants Volés »
2007 • Photo primée concours BBC • World Wildlife Photographer of the Year, catégorie « portraits d’animaux »
2009 • Premier ouvrage de sa série de livres « Le peuple du chemin creux »
2015 • Dernier ouvrage de sa série de livres « Le peuple du chemin creux »
Pour en savoir plus sur Régis Cavignaux : regiscavignaux.com • Page Facebook @Régis Cavignaux – Photographe naturaliste
Photos © Régis Cavignaux