La Manufacture ose la fantaisie

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Céline © Philippe Couture

En septembre, le Théâtre de la Manufacture faisait une rentrée fracassante avec « Il n’y a pas de Ajar ». En octobre, la programmation se fait joyeuse, burlesque.

Il y aura d’abord « Céline », création de l’autrice et metteuse en scène Juliette Navis et deuxième volet d’une trilogie explorant les ressorts de notre humanité par le prisme de célébrités.

Rire de la mort

Le premier, « JC », utilisait la figure de Jean-Claude Van Damme pour interroger notre rapport à l’argent. Avec Céline, Juliette Navis s’inspire d’un autre personnage conquérant et puissant (Céline Dion) pour évoquer la fin de vie. Parée d’un justaucorps électrique, de bottes à plumes et d’une étincelante coiffure blonde, la comédienne débarque sur scène avec une remorque un peu foutraque. Elle a un besoin pressant de nous raconter son histoire. Avant qu’elle ne l’oublie ? Dans un flot de paroles, elle nous dépeint à vitesse grand V la vie d’une femme qui chante pour les animaux dans une grotte avant de connaître le succès, les stades, les tournées qui s’enchaînent… Si la célèbre chanteuse québécoise plane sur la pièce, il n’est pourtant pas exactement question d’elle. Mais plutôt d’une autre Céline, vieille et mourante, oubliée de tous. Un récit en forme de bouillon qui évoque la course effrénée d’une star du spectacle arrêtée dans sa folle ruée vers… Vers quoi d’ailleurs ? Cette Céline-là – incarnée par la comédienne Laure Mathis – vient nous parler d’un sujet peu commun dans le show-business : la mort. Comment gérer cela lorsque l’on est seul.e face à soi ? Que reste-t-il à l’aube du grand sommeil ? À la croisée du stand-up et d’un conte de fées, ce spectacle burlesque, sensible, clownesque, évoque, sous des dehors apparemment légers, des thèmes tout à fait sérieux et universels. Sa présentation marque également la réouverture de la Fabrique, réaménagée pour plus de confort et de proximité.

Au Théâtre de la Manufacture du 3 au 6 octobre, dès 15 ans

Une comédie sur la vérité

Il en a fait, du chemin ! Après avoir tourné aux quatre coins de la France, C’est comme (ça si vous voulez), création maison présentée en 2022, revient dans une version améliorée, allégée. Adaptation, par le duo Julia Vidit/ Guillaume Cayet, de la pièce originale de Luigi Pirandello, la pièce explore la notion de vérité, mettant en scène la folie générale à laquelle la quête de la vérité à tout prix peut parfois conduire. Élément central de la scénographie : un escalier sans fin, des paliers propices à la rencontre, des virages alimentant la rumeur. Un jour, une famille emménage et, face au mystère qui entoure les nouveaux venus, les voisins discutent, débattent, se croisent et se recroisent. Dans une quête effrénée de réponses et d’explications logiques, on invente, on affabule, et l’imbroglio vertigineux, le quiproquo généralisé, s’accélère jusqu’à la caricature. Avec cette pièce, Julia Vidit continue à travailler sur la vérité, la recherche de la vérité et le faux-semblant, thèmes dont elle a fait le terreau de précédentes créations : Illusions, Le Menteur et La bouche pleine de terre. Sur scène, tout le contraire du minimalisme à la mode : des comédiens en nombre, un décor monumental… le tout constituant une parfaite porte d’entrée vers le reste de la programmation. 

Au Théâtre de la Manufacture du 10 au 13 octobre 
À l’Opéra-Théâtre de Metz les 19 et 20 octobre

C’est comme ça (si vous voulez) © Anne Gayan

Des paillettes mais pas que

Troisième morceau de choix de cette première partie de saison :  Diva Syndicat – 1000 ans de musique au féminin. Présenté dans le cadre de la programmation jeune public du NJP – qui transformera par ailleurs, une semaine durant, le Théâtre de la Manufacture en club de jazz –, ce spectacle a été élaboré dans l’idée de redonner toute sa place à la femme artiste. Pour ce faire, Noémie Lamour et Gentiane Pierre (Cie Mise à Feu, Auvergne-Rhône-Alpes) retraversent mille ans d’histoire musicale au féminin, et se donnent pour mission de réveiller le matriarcat musical en remettant en lumière, et à l’honneur, les compositrices effacées de l’histoire. Leur postulat ? La chanteuse ou musicienne à succès est le plus souvent dénigrée, traitée de « diva », quand elle n’est pas tout simplement invisibilisée. Mais que retient-on de sa qualité artistique, de la puissance de sa création, de la subtilité de ses compositions ? Entre musiques médiévale, classique et baroque, de Hildegarde de Bingen à Aya Nakamura en passant par les standards de jazz, ce spectacle mi-concert mi-pièce de théâtre passe en revue dix siècles de musique et reconvoque des figures oubliées, mises de côté. Sans jouer les moralistes, il joue avec les stéréotypes accolés à la femme dans l’industrie musicale pour remettre l’église – le féminin – au centre du village. Adressé en priorité aux enfants dès 7 ans dans le cadre de la programmation « En famille » du Théâtre, ce spectacle plaira aussi bien aux adultes, qui en feront possiblement une toute autre lecture.

Au Théâtre de la Manufacture du 19 au 21 octobre

 Diva Syndicat © Isabelle Fournier
Théâtre de la Manufacture • 10 rue Baron Louis à Nancy • Tél. 03 83 37 42 42• Programmation et billetterie sur theatre-manufacture.fr
Publireportage - Photos © Philippe Couture, Anne Gayan, Isabelle Fournier, DR