Jean Scherbeck, une vie remplie de portraits

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L’abbaye des Prémontrés rend hommage à un célèbre portraitiste nancéen dans l’exposition « Jean Scherbeck, un regard certain », à découvrir jusqu’au 13 décembre.

À quelques jours de l’ouverture de l’exposition, Yves-Noël Scherbeck et Jean-Pierre Puton, respectivement fils et petit-fils de Jean Scherbeck, peaufinent les derniers détails. Le premier dans la salle du chauffoir destinée aux dessins de l’artiste. Il raconte :« Mon père a croqué ses premières caricatures à l’âge de 6 ou 7 ans. Il devient plus tard l’élève d’Émile Friant et d’Henri Royer, célèbres peintres de l’École de Nancy. » Sur les murs, une quarantaine de portraits aux regards plus expressifs les uns que les autres : « C’était la grande force de mon père. Il échangeait beaucoup avec ses sujets avant de les dessiner, pour observer leurs attitudes, capter leurs regards. » Ici, quelques vieillards, des hommes ayant fait partie de sa vie. Comme ce certain Michel Rorher : « À la mort de ma mère, en 1975, il n’avait plus le goût du dessin. J’ai demandé à ce monsieur Rorher, à la prestance incroyable, de lui rendre visite et mon père a croqué toute une série sur lui » détaille Yves-Noël Scherbeck. Là, des dizaines de femmes, des bigoudènes de Bretagne mais aussi une femme de Nazaré au regard noir. Plus loin, des pêcheurs du monde, de Nazaré avec leur chemise écossaise sur le dos, de Port-Blanc, aussi.

© Jean Scherbeck

Une technique nouvelle : le demi flou 

Jean Scherbeck a un double métier. Dessinateur à ses débuts, il se perfectionne à la photographie et ouvre son atelier en 1922. Mais jamais l’artiste ne dessine ce qu’il photographie. Dans la salle Rosenkrantz de l’abbaye, près de 70 photos-portraits y sont exposées. Charles Sadoul, George Nicolas, Etienne Cournot, Géo Condé mais aussi Victor Prouvé, Édouard Salin… tous sont venus se faire « tirer le portrait » par Jean Scherbeck : « Dès 1922, mon grand-père a eu un énorme succès car il apportait une technique nouvelle, celle du demi flou » explique Jean-Pierre Puton. Dans son atelier, Jean Scherbeck travaille à la lumière du jour, l’ajustant grâce à des rideaux et à un buste de plâtre avant l’arrivée des clients. « La lumière arrivait toujours du même côté du visage des photographiés. Ces portraits prenaient beaucoup de temps à mon grand-père qu’il retouchait lui-même après tirage. » Parmi ces photographies recèlent un grand nombre d’anecdotes. Celle par exemple du jour où la Maréchale Lyautey fit tomber le châssis posé au bord du bureau : « Jean a alors utilisé une enveloppe à fenêtre, une sorte de papier calque, pour faire la mise au point. Sur la photo, on voit l’incrédulité du Maréchal Lyautey : pourtant, ça a fonctionné et cette photo est restée. » Il y a aussi le portrait de Marie Marving qui, à la fin de sa vie, venait souvent trouver le couvert chez Scherbeck. « Là, il y a la photo d’Henri Bellieni, grand photographe et créateur des fameuses jumelles Bellieni. Il a été le témoin de mariage de mes grands-parents. Ici, c’est Louis Guingot, l’inventeur du camouflage. Mais à l’époque, Eugène Corbin fabrique des uniformes en camouflage pour l’armée… il dépose le brevet à son propre nom, ce que son ami Guingot qui ne lui a jamais pardonné ! » raconte Jean-Pierre Puton. 

Louis Guingot, 1922 © Jean Scherbeck

« Mon père travaillait beaucoup, on souffrait parfois de ses absences pendant les vacances, mais il vivait de sa passion à chaque instant. D’ailleurs, il aura dessiné jusqu’à la fin de ses jours, en croquant un des protégés du père Brandicourt en octobre 1989… il décédera deux mois après » se souvient Yves-Noël Scherbeck. Avec cette exposition, l’abbaye des Prémontrés rend hommage à un artiste au regard humaniste, devenu un témoin exceptionnel du XXe siècle. Une exposition renfermant mille et un souvenirs, que résume parfaitement George Chepfer de conclure : « Il n’est beau bec que de Paris, il n’est Scherbeck que de Nancy. » 

Pauline Overney

Exposition « Jean Scherbeck, un regard certain », du 17 octobre au 13  décembre • Tarifs : 6 €, 3 € • Ouvert tous les jours sauf le mardi • Horaires : 10h à 12h & 13h30 à 18h • Renseignements : 03 83 81 10 32 ou abbaye-premontres.com

Programmation culturelle autour de l’exposition

© Jean Scherbeck
  • En parallèle à cette exposition, l’abbaye des Prémontrés organise un atelier dédié aux jeunes de 12 à 18 ans, le 28 octobre, sur la thématique du portrait. Ils seront guidés le temps d’un après-midi par un spécialiste de la photographie, Nicolas Chevrier. Les participants passeront à l’action, après avoir étudié le style de Jean Scherbeck, en photographiant un modèle à différents endroits de l’abbaye. 
  • Le 25 novembre, une visite-atelier pour les 5-12 sera également au programme pour faire découvrir aux enfants l’art du portrait. Après des jeux d’observation sous la forme « cherche et trouve » au sein de l’exposition, les enfants se retrouveront dans un atelier créatif lors duquel ils pourront comprendre l’origine de la photo avec la construction d’une caméra Obscura, dessiner avec du pastel et du fusain, créer des portraits dessinés et développer leur sens créatif avec des photomontages. 
  • Par ailleurs, un livret-jeu sera à disposition des enfants pour découvrir l’exposition avec des jeux et des devinettes. Des visites guidées tout public seront aussi organisées les 28 octobre, 18 novembre et 9 décembre, et les samedis et dimanches à 14h30 (sur inscription).
Visites guidées sur réservation – Atelier photo ( 12-18 ans ) le 28 oct. & visite-atelier ( 5-12 ans ) le 25 nov. sur inscription : 03 83 81 10 32. Tarif : 6 €