Les 800 ans d’une grande dame

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2021 marque le huit centième anniversaire de la Cathédrale Saint-Étienne de Toul. La ville célèbre cet évènement à travers une programmation culturelle exceptionnelle qui se prolongera jusque fin 2022.

La Cathédrale, monument d’histoire

Sans jamais vaciller, la Cathédrale Saint-Etienne, trésor d’architecture aux huit siècles d’existence et à l’inaltérable éclat, veille sur les Toulois, qu’ils soient de passage, de cœur ou de souche… Visite guidée d’un monument d’histoire !

Édifice titanesque construit entre 1221 et achevé aux alentours de 1500, première cathédrale gothique du Saint Empire romain germanique, la Cathédrale Saint-Etienne témoigne du riche passé épiscopal de Toul et marque, par ses contours empruntant à plusieurs styles, un tournant dans l’histoire de l’architecture. Monumentale, elle constitue, à divers titres, un ensemble unique auquel les restaurations successives ont redonné toutes ses couleurs médiévales…
Visiteurs, vous serez immédiatement frappés par la façade flamboyante tranchant, vous le constaterez rapidement, avec l’austérité du reste du bâtiment. Des chapelles Renaissance se disputant d’ordinaire les suffrages des visiteurs, celle des Évêques est fermée dans l’attente de travaux ! La Chapelle Jean Forget (1549) et de son dôme à caisson déformé seront donc au centre de votre attention… quand votre regard cherchera, lui, à capter toute la puissance du cloître, géant de pierre remarquablement orné ! Et c’est à un vertigineux voyage dans le temps que vous inviteront le tombeau et les reliques Saint-Mansuy, premier évêque connu de Toul, mais aussi le chœur classique des XVII et XVIIIèmes siècles et les multiples autels et tableaux présents…
Notez, enfin, que la tour sud offre l’une des plus belles vues existantes sur le Toulois et les boucles de la Moselle, comme un trait d’union entre passé et présent…

3 questions à Alde Harmand, Maire de Toul

Alde Harmand, Maire de Toul

Quelle valeur historique a la cathédrale Saint-Etienne ?
Une valeur malheureusement méconnue ! En tant que l’un des premiers édifices gothiques en terre d’empire, elle a pourtant marqué l’histoire de l’art et a influencé l’architecture de bien d’autres monuments, parmi lesquels la cathédrale de Metz. Ce manque de reconnaissance trouve sa source dans la classification simpliste réalisée par Viollet-le-duc, lequel a rangé l’édifice parmi les cathédrales mineures pour la simple raison qu’il ne correspondait pas à l’archétype des édifices gothiques… J’espère que les festivités organisées à l’occasion de ses 800 ans vont contribuer à la réhabiliter. 

A quels détails le visiteur doit-il être attentif ?
Aux gargouilles dispersées au sein du bâtiment, du cloître, des bas-côtés et de la façade, et qui révèlent des mondes imaginaire, animalier, humain… Prenez le temps de vous promener à l’intérieur de la Cathédrale et vous verrez, à proximité de chaque fenêtre, des modillons, petites têtes grimaçantes… Je suis, pour ma part, impatient de découvrir le parcours lumineux et sonore, qui va donner une impression tout autre de l’intérieur du bâtiment ! 

Avez-vous hésité à organiser ces festivités ?
La Cathédrale étant un monument emblématique de la ville, cette décision était sans appel ! L’idée est d’attirer les touristes, mais aussi les Meurthe-et-mosellans et Lorrains qui ne la connaîtraient pas ou n’y seraient pas venus depuis longtemps. A l’instar de celle de Metz ou de Strasbourg, la Cathédrale de Toul est digne du plus grand intérêt ! Nous la célébrons donc à travers des animations tout public et toutes générations dont le week-end inaugural, festif et médiéval, sera le point de départ.

Propos recueillis par Cécile Mouton

Week-end inaugural : Moyen-Âge, nous voilà !

A festivités hors-norme, week-end inaugural d’exception ! Les 3 et 4 juillet, faites vœu de féodalité et quittez prestement votre fief pour plonger, deux jours durant et sans vergogne, dans un breuvage moyenâgeux savamment concocté par la fière Ville de Toul… Que les trompettes rugissent !

Dans la Cathédrale, toute la journée durant, le cloître se changera en haut lieu de l’artisanat ! Verriers, céramistes, potières, bijoutière, facteur d’instruments traditionnels viendront y exposer leurs réalisations et démontrer leur savoir-faire… tandis que les Ateliers du 25 prendront en charge différentes animations enfants autour de la création de lampes à huile (réservation au 06.15.06.85.64).

Côté spectacle, Guillaume Louis, de la Compagnie Philodart, dévoilera « Murmures de Pierres », mythologie contée autour de la cathédrale de Tou, ainsi que « L’évasion du prisonnier » et ses fables d’animaux écrites par un moine anonyme durant le siècle de construction de la cathédrale, récit qui se dégustera en musique autour d’une tente médiévale installée dans la quiétude du jardin du cloître. Enfin, de 22h à minuit, accédez librement à la première représentation du spectacle inédit Alpha et Oméga (voir p. 13) !
Sur le parvis, la Compagnie Eutrapelia mettra en scène plusieurs fabliaux drôles et énergiques, farces intemporelles et tout public moquant la couardise et la stupidité humaine, la Noblesse et les vilains…!
Et puis, au hasard d’une rue, vous pourriez bien croiser les Hommes-Livres de la Compagnie Keras, aux histoires fabuleuses dont vous êtes le héros… ou le duo Brei-Zim, en plein partage de leur répertoire traditionnel aux influences bretonnes, irlandaises et galiciennes… ou bien encore Toroul-Boroul, fanfare de rue, les Catapultés, au spectacle démbulatoire déjanté et les Touls Badours, compagnie touloise proposant petites saynètes, contes médiévaux, musique et stand de jeu !
Dans le Jardin de l’Hôtel de ville, Héloïse Audry entreprendra une animation de poterie médiévale et Halima Ghériballah battra monnaie, tandis que l’arbalétrier Serge Adrover fera tirer petits et grands sur des cibles en bois… et que le groupe L’ost du Lapin Noir plongera en plein Moyen-Âge à travers un campement et des ateliers pédagogiques… Dès 18h, place à la musique ! Laetitia, Laurent et Nicolas, musiciens de « 3/4 Jazz », réinterpréteront de nombreux standards du jazz.
Quant au Musée d’Art et d’histoire Michel Hachet, il proposera, via la Nuit des Musées, une soirée découverte autour du Moyen-Âge et de la Renaissance à travers trois visites thématiques… En soirée, les amateurs de musique de la Renaissance apprécieront la présence de l’Ensemble Gaspard de Perne, tandis que les amateurs de contes et de fabliaux prêteront une oreille attentive à Monique Dejay, de l’association Les Amis du Musée.
Notons, enfin, que tout le week-end, la Brasserie Cheval et la boulangerie La Viennoise nous régaleront, respectivement, d’une bière et de pains spéciaux aux saveurs médiévales. Oyez, oyez !

Une programmation survoltée !

Une page ne suffira pas à balayer, même en travers, même rapidement, l’ensemble des événements organisés par la Ville de Toul en l’honneur de sa vieille dame de pierre… Une chose est sûre : le carnet de bal est plein !

Si elle impressionne continuellement ses innombrables admirateurs, la Cathédrale Saint-Etienne se dévoile et donne à voir, en cette année de 800tenaire, davantage d’elle-même et de ses secrets…

Dans la Cathédrale

Partez à la découverte de votre patrimoine perché tout en haut de sa tour sud ! Et, installé un peu plus bas, entre les deux tours, goûtez au fameux « Casse-croûte de Quasimodo »… Autre expérience à ne pas manquer, la visite de la Cathédrale en réalité virtuelle, lunettes et smartphones aidant ! Ou comment allier technologie et histoire, explications et reconstitutions, y compris dans des endroits actuellement inaccessibles au public tels que la Chapelle des Évêques… Quant aux enfants, ceux de 8 à 12 ans trouveront, jeudi 15 juillet, lors d’une visite guidée particulière, les réponses à toutes leurs questions.

Festival BACH

Enfin, la Cathédrale Saint-Etienne, qui fait l’objet d’une balade sonore à base de QRCodes, accueille le Festival Bach ! Le 4 juillet, les cuivres résonneront à l’occasion d’un concert célébrant les fanfares ; le 5 septembre, un hommage appuyé sera rendu à l’organiste et compositeur Charles Marie Widor. Joyaux sonores à écouter sans modération ! 

Hors la Cathédrale

Samedi 17 juillet, le traditionnel feu d’artifice, ou festival pyrotechnique, jettera une lumière incandescente sur la Cathédrale, dans une édition particulière dédiée aux 800 ans. Grand spectacle annoncé !
Samedis 24 juillet et 7 août, le Jardin d’été du Michel, prologue de l’incontournable JDM (organisé du 3 au 5 septembre), s’installera dans le jardin de l’Hôtel de Ville le temps d’apéros-concerts déjantés et conviviaux. Sur scène, des groupes locaux ; sur l’herbe, un public enthousiaste face au retour, inespéré à trop l’attendre, des concerts…
Stage de théâtre adolescents, ateliers artistiques, lectures, rencontres d’auteurs et expositions complètent cette programmation estivale particulièrement riche… que la fin de la période des congés estivaux ne viendra pas interrompre, bien au contraire !

Réjouissances de rentrée

Pour preuve, les 17 et 18 septembre, le temps de deux soirées magiques, l’installation « Kalalumen, les lumières de la Cathédrale » habillera de milliers de bougies l’intérieur de la Cathédrale… laquelle se réchauffera, le 25 septembre, au son des voix puissantes de Nicoletta et de ses chœurs Gospel.
Parmi les nombreuses autres animations au programme, signalons que le 22 octobre au Citéa, Benjamin Brillaud, « youtubeur de l’histoire » et vulgarisateur au million et demi d’abonnés à travers sa chaîne « Nota Bene », présentera, en avant-première, un épisode dédié à Toul et enregistré sur place en juin… De quoi passionner les historiens en herbe ou confirmés, toutes générations confondues !

Le Trésor s’expose !

La Cathédrale Saint-Etienne s’enrichit d’un nouveau lieu d’exposition en la salle du Trésor ! L’opération consiste en réalité à rouvrir au public la salle destinée, dès la construction de la Cathédrale, à accueillir les objets les plus précieux tels que les vases sacrés, reliquaires et autres pièces d’orfèvrerie… Adossée à la façade sud du chœur, cette pièce rectangulaire, entièrement restaurée, retrouve sa vocation perdue depuis la Révolution française en donnant à voir au public des œuvres liturgiques précieuses issues de l’ancien Trésor et dispersées. Rassemblées, habilement replacées dans leur contexte et mises en valeur par la scénographie moderne et sobre de l’architecte Philippe Maffre, elles sont tout simplement éblouissantes !

Parmi les joyaux présents, le reliquaire du Saint-Clou, ou clou de la Sainte-Croix, vaut, à lui seul, le déplacement… L’histoire voudrait qu’un peu avant l’an 330, sainte Hélène, mère de l’empereur romain Constantin 1er, alors en visite en pèlerinage à Jérusalem, ait retrouvé la croix et les clous sur les lieux de la Passion ; un de ces clous parviendra à Trêves, capitale impériale et ville natale de sainte Hélène. Au Xe siècle, l’évêque toulois Gérard décide de faire rebâtir sa cathédrale en l’enrichissant de reliques prestigieuses. Il réclame donc auprès de l’archevêque de Trêves, son supérieur, la relique du Saint Clou, et se voit opposer un refus ferme. Gérard insiste, jusqu’à toucher la pointe du clou, qui se détache… Ce signe divin vaut à l’évêque de pouvoir ramener à Toul la précieuse relique, laquelle est désormais visible de tous…

En expo et en 3D, l’évolution de la Cathédrale
Son évolution architecturale à travers les siècles inspire ! A tel point que la Cathédrale accueille, en son cloître, du 3 juillet au 19 septembre, une exposition majeure présentant l’histoire de l’édifice depuis la fin de sa construction. « Embellissement, destruction et grands travaux à la Cathédrale » rappelle les ajouts que constituent les deux chapelles Renaissance, met en lumière les travaux d’embellissement extérieurs et intérieurs ainsi que l’aménagement somptueux du chœur au XVIIème siècle, insiste sur les destructions révolutionnaires de 1870 et 1940 et sur les restaurations réalisées au fil du temps…
Au fil de documents d’archives méconnus du grand public, de maquettes, de documents vidéo et de récits de témoins, le visiteur prend peu à peu conscience de l’importance de l’investissement humain nécessaire à maintenir à flot un tel vaisseau !
Sur le même thème, notons que le 18 septembre à 14h30 sera diffusé, au Citéa, un film de Maxime Santiago retraçant, en 3D, la construction de la Cathédrale de ses origines à son achèvement gothique, en passant par les sept grandes périodes de sa construction et les évolutions successives de l’édifice…

Alpha & Omega, spectacle total !

Du 3 juillet au 28 août chaque jeudi, vendredi et samedi, le visiteur se verra mystérieusement appelé à déambuler, de 22h à minuit, au sein de la Cathédrale Saint-Etienne… pour constater que son monument préféré a pris des couleurs,
du son et de la lumière !

Loin des spectacles son et lumière traditionnels, Alpha & Omega, création des avant-gardistes et messins d’AV Extended, est l’une des rares installations du genre à se jouer en intérieur, élément qui était essentiel à plonger le visiteur dans une expérience sensorielle à la redécouverte, nocturne, de la Cathédrale et de son cloître… Associant les éléments architecturaux et ornements artistiques exceptionnels du bâtiment à des installations numériques de pointe, l’expérience est totale et le souvenir, inoubliable ! Guidé par la bande-son faite main, spécialement pour l’occasion, par les talentueux Ena Eno et Chapelier Fou, le visiteur redécouvre, peu à peu, des traits vaguement familiers, des contours anciennement précis modifiés par des détails, des couleurs, une ambiance… une expérience renouvelée à chaque visite.

3 questions à Nicolas Tochet
Collectif AV EXCITERS, en charge de l’écriture du projet 

En quoi ce projet était-il spécifique ?
Les mappings sur lesquels nous travaillons habituellement animent les façades d’un bâtiment. Là, la Ville de Toul nous demandait, en plus d’habiller l’extérieur, de rentrer à l’intérieur de la cathédrale et du cloître ! Nous avons vu cela comme l’opportunité d’être encore plus créatifs… Concrètement, cela nous obligeait à changer notre manière de penser l’espace, le public ne faisant pas face au spectacle mais étant en immersion dans celui-ci… On doit l’essentiel de la partie visuelle du spectacle aux artistes Jérémie Bellot et Josselin Beaumont. 

Comment l’avez-vous imaginé ?
Pour célébrer les 800 ans de la Cathédrale, nous avons donc fait le choix de pièces séparées et symboliques. Le mapping installé au niveau du cloître est constitué de trois tableaux évoquant pour l’un, le passé, pour les autres, le présent et le futur de la Cathédrale, édifice dont l’histoire continuera bien après cet anniversaire…
D’autre part, nous avons mis en valeur certains éléments marquants de l’intérieur de la Cathédrale tels que l’orgue, très impressionnant, et que le mapping rend vivant. Nous avons explosé les vitraux, au sens figuratif évidemment ! 
A part quelques préconisations utiles, la Ville de Toul nous a laissé une grande liberté artistique, dont nous avons fait en sorte d’user intelligemment. 

Quid de la musique ?
Nous avons eu l’idée de faire appel à Eno éno et Chapelier fou. Ce dernier a créé un thème musical par tableau installé dans le cloître, en optant pour de la musique générative : la durée, les instruments utilisés et même les mélodies changent, ce qui garantit au visiteur une expérience nouvelle à chaque visite ! Cela marque le passage du temps et nous rappelle que l’on ne revit jamais deux fois exactement la même chose… De la même manière, les images projetées à l’intérieur du cloître évolueront, pour intégrer une part d’aléatoire.

Propos recueillis par Cécile Mouton

Plus d’infos : www.toul.fr/?800-ans-de-la-cathedrale-saint