La belle verte

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La place Stanislas prend des parfums de Jardin d’Eden jusqu’au 1er novembre.

Jean Ferrat chantait « que la montagne est belle ». En paraphrasant le chanteur et poète, on pourrait s’exclamer  « que la Place Stanislas est belle ». L’endroit est réputé de par le monde pour sa coquetterie et sa prestance. En ce début d’automne, il se pare d’un habit tout à fait inhabituel. Aux pieds de la statue du bon Roi, ont pris place 32 000 plantes vivaces, 10 500 pensées, 1 100 chrysanthèmes, 1 500 arbustes, 1 200 cyclamens, 700 m2 de gazon, 1 tonne de légumes, 680 caches pots… Il fallait oser !

Flâner dans le grand jardin

La réalité de cet Eden reconstitué ne tient pas seulement qu’à ces chiffres certes impressionnants. Durant quelques jours, une virgule bucolique est proposée aux Nancéiens et touristes. Des symboles, des images, des traditions comme autant d’escales pour entraîner chacun vers un univers d’évasion où il n’est pas interdit de rêver. Avant tout un plaisir pour les yeux que cette harmonie végétale. D’ailleurs, certains n’ont pas attendu bien longtemps pour en profiter, investissant les lieux à peine ouverts. Comme ce couple de jeunes amoureux qui a pris place au milieu des espaces verts et qui semble sourire à la vie, assis sur un banc, les yeux dans les yeux. Comme ces touristes asiatiques, sortant leur appareil photo, ne s’attendant certainement pas à découvrir un tel spectacle. Comme ces personnes âgées se rappelant peut-être l’époque de leur vingt ans. Depuis 2003, le jardin éphémère a élu domicile sur la place Stanislas une fois l’an. Devant ce remarquable travail, on peut tirer un grand coup de chapeau aux ouvriers des services des Espaces Verts, qui ont œuvré durant cinq jours pour offrir une pépite de beauté visuelle au public. Graminées, fougères, saules, eupatoires, anémones et autres noisetiers composent un bouquet de cinquante variétés aux couleurs chatoyantes.

Ode à la Lorraine

L’édition 2010 a comme thème : « la Lorraine au fil de l’onde » avec comme fil rouge la sinuosité des rivières de notre région. Dans ce grand labyrinthe, nous entrons, accueillis par quelques mots qui donnent le ton de la visite : « Une planète, une région, des rivières. Hommage aux rivières. Elles ont déposé leurs alluvions, fertilisé les sols. Des hommes ont rêvé leurs vies sur ces rives. Des cités sont nées de l’énergie vitale, de l’eau qui s’écoule, qui relie ; et d’autres générations ont commencé à semer dans cet espace de liberté. La nature leur a donné la force de croire, d’espérer une récole. Une terre riche, généreuse, une terre à jardiner ». Quinze tableaux végétaux et massifs pour quinze lieux symboles de la région. En passant par la Lorraine version chlorophylle. Il est recommandé de laisser le temps au temps, de regarder, de sentir, d’apprécier. Et voilà que surgissent, comme sortis d’un autre temps l’éclat des émaux de Longwy et un blason de légende porté par Godefroy de Bouillon. Un peu plus loin, nous retrouvons l’emblématique chardon lorrain et sa devise « qui s’y frotte s’y pique ». A ses côtés, l’incontournable Saint-Nicolas comme une tradition ancestrale. La Lorraine c’est aussi une gastronomie. Ainsi, un tableau peint les grands crus locaux pendant qu’un autre reconstitue une potée pantagruélique – plus d’une tonne de légumes déposée -. La Lorraine, terre d’histoire bien sûr. Voilà qu’au détour d’un massif s’éveillent le passé douloureux et l’espoir pacifié de Verdun. Ce tableau a été réalisé selon un dessin d’enfant. Soudain, on se plait à plonger dans l’épopée du chemin de fer, formidable aventure industrielle et humaine qui a marqué les esprits. La promenade se veut dépaysante à souhait. Effet garanti. Nous voici à présent dans des temps très anciens. Plusieurs tableaux reviennent aux origines de la Lorraine, entre plissements et autres gisements de sel, sur la Ligne bleue des Vosges, esthétique et historique horizon de crêtes. En serpentant le long des massifs, on retrouve la célèbre Croix de Lorraine, et cette chanson populaire qui a largement dépassé les frontières de nos quatre départements : « En passant par la Lorraine » et cette reconstitution de Sion et de ses petites étoiles de pierre de la colline inspirée. Enfin, nous ne pouvions omettre de parler de ce massif couleur or dédié à la plus belle demoiselle de Lorraine, au charme certain et aux multiples qualités tant enviées : la mirabelle !

Le retour à la terre

A l’issue des quelques mètres parcourus sur les pavés de la place Stanislas, une sensation de plénitude envahit le visiteur qui aura l’impression d’aller par monts et par vaux, sur cette terre lorraine louée par tant d’artistes et d’écrivains. Le développement durable s’enracine dans ce jardin éphémère. Ainsi, les 700 m2 de gazon de placage qui verdissent les pavés seront réutilisés sur le cours Léopold et dans les différents parcs et jardins de la ville. Les plantes vivaces, bisannuelles et arbustes retourneront aux serres municipales avant de refleurir les massifs au printemps prochain. Enfin, le sable pilé, le bois et les différents matériaux utilisés seront stockés et reconditionnés pour de futures créations.

Le jardin éphémère est à voir et à respirer durant quelques jours encore. Profitez-en !

Jusqu’au 1er novembre, Place Stanislas