FIG 2023, entre urgences et Chili

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©Maxime Crosnier - Malaka Aventura

Organisé du 29 septembre au 1er octobre, le 34e Festival International de Géographie (FIG) de Saint-Dié-des-Vosges naviguera cette année entre « urgences », son thème fil rouge, et Chili, le pays invité.

Les familiers de l’événement le savent : le FIG, fête de la géographie et festival parmi les plus importants du Grand Est, est le lieu de débats de haute volée. Mais il est avant tout une terre de rencontres, un espace tout public d’ouverture au monde transformant Saint-Dié-des-Vosges, 3 jours durant, en gigantesque et bouillonnant laboratoire à idées. Avec, dans le sillage d’une programmation scientifique extrêmement exigeante, un cortège de rendez-vous ludiques et familiaux parmi lesquels des spectacles, du cinéma, de la musique, de la gastronomie, le tout accessible gratuitement (dans la limite des places disponibles).

Cette 34e édition s’articulera autour des « Urgences », thème ô combien brûlant. Urgence climatique, sociale, économique… Décrétée ou lancinante, l’urgence s’insinue partout, sature le débat et ce faisant, nous effraie, nous paralyse. Comment faire de l’urgence un moteur de l’action collective ? C’est, pour le FIG, tout l’enjeu. Alors il crée les conditions du débat, de l’apprentissage collectif, de l’écoute mutuelle, du partage illimité, de l’interrogation perpétuelle… avec, parmi les intervenant.e.s invité.e.s, des artistes, des géographes, des universitaires, des scientifiques, des militants, des citoyens engagés, des poètes, des auteurs et autrices, et bien sûr, le public présent.

© FIG – Communication – Ville de Saint-Dié-des-Vosges

Le Chili en pays invité

Après le Portugal l’an dernier, c’est le Chili qui sera mis à l’honneur cette année. De ce pays d’une profonde complexité, d’où nous viennent des artistes mondialement connus – les poètes Gabriela Mistral et Pablo Neruda, le romancier Luis Sepulveda, les réalisateurs Pablo Larrain et Patricio Guzman ou encore la chanteuse Violeta Parra –, Cécile Faliès, géographe, explique que « c’est un territoire des extrêmes marqué par la figure du paradoxe : un finis terrae dépendant de l’économie-monde, un pays latin de culture, mais américain dans le mode de développement (…), un pays d’inégalités profondes, mais dont les soubresauts politiques fréquents permettent les bifurcations et donc tous les espoirs ». Souffrant, intensément, des conséquences du réchauffement climatique, le Chili sait, dans sa chair, ce que faire face à l’urgence – aux urgences – implique.

Rony Brauman, Président du FIG 2023
Médecin, co-fondateur et ancien président de Médecins sans Frontières, dont il dirige la Fondation, et professeur à l’IEP de Paris, Rony Brauman, Président du FIG 2023, est un citoyen engagé, fondamentalement libre. Signataire, en août 2006, d’un appel contre les frappes israéliennes au Liban, il s’est également engagé publiquement contre l’intervention militaire de la France en Libye, en 2011.
Son grand entretien inaugural, programmé vendredi à 18h30 Espace Georges-Sadoul, sera animé par la journaliste et autrice Mémona Hintermann.

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Traiter les urgences

Climatique, sociale, économique… L’urgence est partout, et notamment au cœur des échanges qui animeront cette 34e édition du FIG

Laguna Salar de Talar avec la montagne des Andes, San Pedro de Atacama au Chili © Shutterstock

La récente pandémie, la guerre en Ukraine ont, de manière dramatique, mis en évidence une chose : les urgences se multiplient et, face au risque de sombrer dans l’anxiété, la paralysie, et donc l’inaction, créer des espaces propres à la discussion, à la réflexion, apparaît plus que jamais nécessaire. Prenant chaque année le parti de rassembler des géographes pour nous aider à y voir plus clair, le FIG apparaît naturellement comme notre « safe place », l’endroit idéal pour prendre du recul, nous arrêter un moment pour mieux penser et trouver l’énergie de repartir. Sous la houlette de Florian Opillard, directeur scientifique 2023, la programmation de cette 34e édition du FIG se fait ambitieuse, roborative et hétéroclite.

Les rendez-vous du vendredi

Omniprésente dans l’actualité, l’urgence climatique sera, logiquement, au cœur des débats du FIG. Une table ronde sera le cadre d’un échange passionnant sur le thème « Préfecture, mairie, SDIS… la coordination des acteurs face à la crise. L’exemple des feux de forêt ». Elle invitera les différents intervenants présents, représentants d’institutions et universitaires, à décrypter la manière dont on protège un territoire fragile et ses habitants face à des feux de forêt toujours plus fréquents et violents. La forêt, première victime du réchauffement climatique, sera à l’épicentre d’une autre table ronde : « La Déodatie face aux urgences : la forêt ». Au centre des échanges : la résistance du massif vosgien face aux épisodes de sécheresse inédits et de risque incendie quasi continu.

Autre moment d’échange privilégié, la table ronde « Les armées face au changement climatique » interrogera la solidité et l’adaptabilité des armées dans un contexte de transformations nécessaires et de retour d’une guerre « de haute intensité », celle d’Ukraine.

« Voyager durable et responsable », qu’est-ce que cela signifie ? Est-ce possible sans l’engagement, plein et entier, des professionnels du tourisme et grands explorateurs de la planète ? Cette autre rencontre, programmée le vendredi à 16h15, devrait donner matière à réflexion (et solutions ?).

À 18h30, le « grand entretien inaugural » de Rony Brauman aura des airs de bilan autobiographique, celui d’un homme généreux, influent, libre et engagé. Interrogé par Memona Hintermann, ce dernier nous donnera sans doute à espérer et à repenser la notion d’ « urgences ».

Thibaut Sardier et Florian Opillard © FIG – Communication – Ville de Saint-Dié-des-Vosges

Samedi et Dimanche

La 2e journée débutera avec « La Déodatie face aux urgences : l’eau et la sécheresse », table ronde centrée sur les actions mises en place pour anticiper l’impact de la sécheresse sur nos nappes phréatiques et préserver les milieux humides, particulièrement sur Saint-Dié-des-Vosges. À 11h, « La guerre en Ukraine et ses urgences » réunira  Philippe Boulanger, géographe, Vincent Coste, Général de brigade aérienne et Kevin Limonier, maître de conférences. Armées, ONG et populations ont dû s’adapter et organiser les réponses militaires, diplomatiques, humanitaires. Avec quels impacts à moyen et long terme ?

À 11h30, la conférence « Adapter les transports face aux urgences : approches historiques et géographiques » mettra en évidence, de manière tout à fait concrète, le rôle crucial des transports face aux urgences qui nous environnent. À la même heure, un dialogue entre Jean-Marc Offner, urbaniste, et Florian Opillard, directeur scientifique du FIG 2023 interrogera notre réaction face à l’urgence qui pointe. À l’animation : Eric Fottorino, directeur de la publication du Un Hebdo !

À 14h, des acteurs de premier plan (géographe, préfète honoraire, géomaticien-cartographe, directeur Urgences et Opération, Croix-Rouge Française) répondront, au cours d’une table ronde à la question suivante : « Comment coordonner les secours face aux catastrophes ? ». Et, plus précisément : comment les professionnels de la gestion des urgences conçoivent-ils cette dernière ? Comment s’y préparent-ils et comment interviennent-ils ?

À 15h30, Christophe Asselin, chasseur d’orages et de tornades, rencontrera Claire Fercak, autrice d’ « Après la foudre ». Au cours d’un dialogue pas dénué de passion, ils évoqueront l’attraction et la répulsion ressenties face à ces manifestations célestes. À 16h, trois géographes réunis en table ronde se demanderont si « face à l’urgence climatique, la transition énergétique est la mère de toutes les batailles ».

Dimanche à 9h00, « Zads, ronds-points, mégabassines… Les nouveaux lieux de la mobilisation sociale » concentreront les échanges des intervenants – parmi lesquels Philippe Descola – réunis en table ronde. À la même heure, d’autres experts (médecin, géographes) livreront, tour à tour, une réponse circonstanciée à la question suivante : « France : le système de santé en état d’urgence ? »

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3 questions à Angélique Palle

Géographe et coautrice de « Il y a urgence ? Les géographes s’engagent »

© DR

« Il y a urgence ? Les géographes s’engagent » : dans quel contexte ce projet d’ouvrage s’est-il monté ? 

Il est adossé au 34e  Festival international de géographie, dont le directeur scientifique, Florian Opillard, est un collègue avec qui je coécris beaucoup. La politisation de l’urgence et la façon dont elle est traduite dans l’action publique (en termes de discours, d’investissements, de choix des acteurs qui sont jugés légitimes pour y répondre, de place dans le débat démocratique etc.) interroge l’ensemble des auteurs. D’où, il me semble, cet ouvrage qui se veut à la fois accessible à des non spécialistes et sans concession sur le contenu des enjeux à débattre. 

De témoins, les géographes passent à lanceurs d’alerte… 

Pour une grande partie des scientifiques, il est impossible aujourd’hui d’être de simples témoins, c’est le sens de l’urgence.

De la société, émane une vraie demande vis à vis des sciences, notamment sociales. Dans les collectifs de scientifiques à l’œuvre sur les questions environnementales et climatiques, on nous demande à la fois de vulgariser le débat, d’inclure les collectifs citoyens dans la construction des savoirs scientifiques et de participer à des projets de toutes sortes. C’est la place de l’expertise scientifique dans le débat politique qui est à réinterroger.

Face aux urgences qui s’entrechoquent, les actions sont-elles à penser de façon globale ? 

Les actions sont à penser à toutes les échelles et le rôle de la géographie est de montrer la diversité des représentations de l’urgence. Dans l’exemple de la transition énergétique sur laquelle je travaille : les acteurs européens en ont une représentation européenne, vont proposer des grands parcs éoliens ou solaires dans un système interconnecté qui permette des solidarités entre pays. A l’inverse, les collectivités territoriales vont vouloir créer de petites unités de production qui permettent aux acteurs locaux de se réapproprier la production d’énergie. Le rôle des sciences sociales peut être de mettre ces différentes visions en évidence et de laisser la place à ce qui est finalement un vrai arbitrage politique, bien plus qu’un choix d’expert entre une bonne et une mauvaise solution.

Propos recueillis par Cécile Mouton

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Le livre-monde

Espace d’ouverture au monde, le FIG brille aussi par la présence, en nombre, d’auteurs et d’acteurs de la chaîne du livre.

© FIG – Communication – Ville de Saint-Dié-des-Vosges

Vectrice de questionnement, de réflexion, de rencontre, de dépaysement, la littérature a, définitivement, toute sa place au sein du FIG ! En son Salon du Livre Amerigo Vespucci, la manifestation accueillera cette année plus de 60 éditeurs et plus de 100 autrices et auteurs en dédicace. Des prix littéraires récompenseront des ouvrages parlant d’aventure et de voyage.

Parmi les temps forts du volet littéraire de la manifestation : un débat sur l’après « effondrement du monde », une rencontre qui amènera les intervenants invités à s’interroger sur « l’usage qu’on fait du monde », un grand entretien avec l’écologiste activiste Camille Étienne, un zoom sur « les étoiles noires » par Lilian Thuram, la rencontre de deux grands lanceurs d’alerte, Victor Castanet et Irène Frachon, une rencontre sur le thème « Ecologie : une urgence au ralenti ? »… Le Chili se déclinera quant à lui à travers différents temps d’échanges. Ainsi, une table ronde décryptera 50 ans de vie politique chilienne, une conférence décryptera le Chili de l’ère napoléonienne, une autre mettra en lumière la « résilience » du Chili dans l’urgence et la crise. Star de cette 34e édition du FIG, le Chili se racontera en BD, en musique (à la harpe celtique), en docu-rencontre (« Les chemins de la Mémoire »), en table ronde dédiée à « la situation des peuples autochtones »…

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Entretien avec… Maria Poblete, autrice chilienne

© Florence Levillain

Le FIG célèbre cette année le Chili, votre pays natal, dont vous êtes partie à l’âge de 9 ans après le coup d’Etat de Pinochet. Quels liens conservez-vous avec votre pays natal ?

C’est un attachement viscéral et joyeux, quotidien en pensées et régulier avec une grande partie de ma famille qui y est retournée après des années d’exil. J’essaie de maintenir un pont entre le Chili et moi, grâce aux investigations et aux livres. Ici en France, le lien est aussi gourmand. Je me nourris de manjar * !

À quoi ressemble le Chili d’aujourd’hui ?

Il nous faudrait des jours entiers pour en parler. C’est un pays où subsistent les inégalités sociales et dont la démocratie est très fragile, avec un pan de la société, une extrême droite qui nient les horreurs de la dictature.

Vous partagerez notamment une rencontre avec Laure Des Accords et Douna Loup. Ensemble, vous évoquerez l’importance de l’écriture pour lutter contre l’oubli et pour mieux comprendre l’histoire d’un pays. Est-ce que c’est ce que vous vouliez faire en écrivant « La dictature nous avait jetés là », sorti en 2018 ?

Exactement. Je veux pouvoir dire, raconter pour témoigner, ne jamais oublier, pour que l’histoire ne se répète pas. La mémoire est inachevée, les crimes n’ont pas tous été jugés et il reste la question des près de 1500 personnes détenues disparues. Où sont-elles ?

Vous interviendrez également au côté de Bruno Doucey, auteur d’un livre consacré à Pablo Neruda. Quelle place ce dernier occupe-t-il dans votre panthéon personnel ?

Une place particulière, j’écris devant son portrait : il me dit que les mots protègent et aident aussi à aller de l’avant, qu’ils donnent de l’élan.

* confiture de lait dont on prépare des pâtisseries.

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Une programmation éclectique et tout public

Le FIG, c’est aussi du spectacle vivant et des concerts, du cinéma, des expositions !

Vendredi à 20h, le spectacle « Après moi le déluge » (avec Alex Somoza et la Cie Avec des Géraniums) fera le récit initiatique des aventures d’un doux naïf à la recherche d’un monde meilleur, revisitées avec autodérision et lucidité. Au même moment, les musiciens de Vidala interprèteront « Cantando al sol », leur dernier opus, et porteront haut les couleurs de la Nueva Cancion, mouvement de contestation épanoui dans les années 60 sur tout le continent sud-américain et au Chili,  et de ses grandes figures : Violeta Parra, Victor Jara.

À 21h15, les spectateurs cinéphiles découvriront « L’Effondrement », série française en 8 épisodes inspirée par les thèmes de la collapsologie.

Samedi à 10h, la Soupe Compagnie présentera « Et puis », grande fresque visuelle et musicale, poétique et surprenante, en forme d’introduction tout public à l’écologie. A 20h, à l’Espace Georges-Sadoul, « Veules-les-Roses » mettra en scène deux personnes cloîtrées dans leur univers de papier, bien décidées à élargir leurs horizons. En toile de fond de leur dialogue absurde et poétique : des photographies du littoral signées A. Fleurantin. A 21h, Calle Mambo et leurs dix instruments sur scène donneront à entendre toute la richesse et la diversité des musiques latines au fil d’un voyage musical, dansant et éclectique, à travers le continent américain.

Dimanche à 11h30, un concert live donné à l’Église protestante Vie Chrétienne associera musique et projection vidéo d’une aventure chilienne. Se réuniront pour l’occasion : Maxime Crosnier, ingénieur en Aménagement du territoire et baroudeur (il est l’auteur des photos projetées), Willy François, chef d’orchestre et les musiciens de l’Orchestre Symphonique de Saint-Dié-des-Vosges.

Les cinéphiles ne seront pas en reste, puisqu’une belle programmation se déploiera du mercredi 27 septembre au lundi 2 octobre à l’Espace Georges-Sadoul. Au programme, 8 films pour une vingtaine de projections (entrée libre et gratuite) avec, en exclusivité avant sa sortie nationale, « Les Colons », film signé Felipe Galvez Haberle. Le pitch ? Dans cet immense territoire fertile qu’est le Chili de 1901, trois cavaliers sont engagés par un riche propriétaire terrien pour déposséder les populations autochtones de leurs terres et ouvrir une route vers l’Atlantique. Autre pépite à voir et revoir : « Bigger than us », de Flore Vasseur. Cette dernière raconte l’histoire de Melati, 18 ans, qui combat la pollution plastique ravageant son pays, l’Indonésie. Au même moment, comme elle, d’autres jeunes gens luttent, parfois au péril de leur vie, pour préserver notre bien commun : La Terre.

FIG Junior
Jouer à des puzzles ludiques et intelligents, fabriquer un Moaï miniature ou un Volantin (cerf-volant emblématique du Chili), apprendre les gestes qui sauvent, jouer avec les timbres-poste du monde, lire jusqu’à plus soif, visiter le planétarium, jouer à des jeux de société, aller au cinéma… Le FIG se décline aussi en version junior !

34e édition du Festival International de Géographie de Saint-Dié • Du 29 septembre au 1er octobre • Programmation détaillée et actualité du FIG sur fig.sddv.fr • Facebook :
festival.international.géographie X : @FIGSaintDie • Youtube : @infoFIG 

Publireportage – Photos © Maxime Crosnier – Malaka Aventura, FIG – Communication – Ville de Saint-Dié-des-Vosges, Florence Levillain, Alexandra Fleurantin, Raoul Gilibert, Fiona O’Kelly, Shutterstock, DR