À la découverte d’une nature exceptionnelle

455

L’événement mondial dédié à la faune et à la flore revient cette année du 17 au 21 mai pour sa 11e édition sur le thème des super-pouvoirs de la nature.

Créée en 2007 sur l’initiative du Comité Français de l’Union Internationale de Conservation de la Nature et du magazine Terre Sauvage, la Fête de la Nature est depuis plus de 10 ans l’évènement de référence en France pour découvrir les richesses naturelles et renouer avec notre environnement. Cette fête s’articule autour de la date importante du 22 mai qui est la journée internationale de la biodiversité. Depuis 2009, elle est coordonnée en France par l’association éponyme qui assure la coordination générale de l’événement.

« Les super-pouvoirs de la nature » est le thème de cette 11e édition. Les écosystèmes et les espèces ont des mécanismes complexes et étonnants que l’on peut découvrir à deux pas de chez soi. Les milieux naturels peuvent produire des matières premières, de la nourriture, de l’énergie. Les espèces animales et végétales offrent à l’homme de nombreuses solutions dans son quotidien, ses loisirs et peuvent aussi jouer un rôle important dans la relation aux autres ou à soi-même. Bref, la nature est surprenante et les manifestations autour de la Fête de la Nature vous proposent d’aller explorer ses spécialités, ses spécificités, pour lever, en partie, le mystère autour de ses « super-pouvoirs ».

Conférences, visites, animations

Des manifestations sont proposées dans la région Grand-Est et particulièrement en Meurthe-et-Moselle. Le jardin botanique Jean-Marie Pelt ouvre ses portes à l’occasion de la Fête de la Nature en partenariat avec la ville de Villers-lès-Nancy. En compagnie d’un médiateur, le visiteur pourra découvrir si les plantes ont de la mémoire, comprendre pourquoi les plantes sont plus intelligentes que les animaux et apprendre comment l’homme s’est inspiré du génie des végétaux. Cette visite guidée au sein des collections botaniques aura lieu le 20 mai de 15h à 17h sur réservation.

A partir de 15 mai, la ville de Villers-lès-Nancy prévoit également une semaine complète dédiée à la nature ! Au programme : la projection du film « Sacré Village » de Marie-Monique Robin en ouverture de cette Fête de la Nature. Alors que le climat déraille, que les ressources s’épuisent et  que les inégalités s’envolent, la petite commune alsacienne d’Ungersheim montre qu’un autre monde est possible, ici et maintenant. D’autres conférences sur le rôle du jardinier dans la lutte contre le réchauffement climatique, les déchets végétaux et les plantes médicinales sont également prévues. Le dimanche 21 mai sera sans doute la journée la plus animée ! Une visite du spéléodrome de Nancy est organisée. Cette ancienne galerie du drainage des eaux souterraine du  plateau de la forêt de Haye a été abandonnée dans les années 30. La nature y a repris ses droits et a réalisé de superbes dépôts de calcite blanche transformant la galerie en une grotte exceptionnelle. Préparez-vous à une visite pour le moins… aquatique ! Bottes en caoutchouc et k-way nécessaires ! Au parc Madame de Graffigny, une bourse aux plantes sera proposée dès 13h, ainsi que des ateliers avec les associations Floraine, Flore 54 ou Villers en transition pour découvrir les spécificités de la nature et pour apprendre à bien la protéger.

Pour ceux que les arbres fascinent, le CPIE de Champenoux organise sa prochaine édition de « embarquement immédiat pour l’arboretum » les 20 et 21 mai. Cette collection centenaire regroupe 400 espèces venues des grandes régions tempérées du globe ! Ces animations sont l’occasion de (re)découvrir la nature et d’apprendre à la choyer, une attention particulière dont elle a plus que besoin.

Programmation complète : fetedelanature.com

Les 24h de la biodiversité du Parc naturel Régional de Lorraine

La Fête de la Nature met un coup de projecteur sur les Parcs naturels Régionaux de France qui fêtent cette année les 50 ans du décret les instituant. Pour cet anniversaire, le Parc naturel Régional de Lorraine organise les 20 et 21 mai « les 24h de la biodiversité », un événement qui se tiendra majoritairement à proximité du Lac de la Madine pour permettre au grand public de découvrir la richesse faunistique et floristique de ce site exceptionnel. Objectif de cette manifestation : montrer le travail effectué par différentes associations pour la préservation des espèces. Quelques exemples de la programmation : la Société français d’Orchidophilie de Lorraine et d’Alsace vous emmènera à la recherche des orchidées, la Société Lorraine d’Entomologie vous fera partir à la découverte des libellules en forêt de la Reine, le Conservatoire des Espaces Naturels de Lorrain proposera une animation autour des amphibiens du massif et des prairies…

Infos : pnr-lorraine.com

La nature, ce super-héros

Faune comme flore sont riches de « super-pouvoirs » bénéfiques à la biodiversité et parfois utiles à l’homme. En voici quelques exemples.

Les tourbières, pour retenir le CO2

Les tourbières sont des milieux couverts d’une mousse, la sphaigne, qui peut absorber le dioxyde de carbone et le retenir sous forme de carbone. Si elles ne couvrent que 3 % de la surface de la Terre, elles stockent deux fois plus de carbone que les forêts qui couvrent pourtant 30 % des continents ! Alix Badre est la conservatrice des tourbières de Machais (Réserve Naturelle Nationale) et de Lispach dans les Vosges. Elle livre un autre « super-pouvoir » : « La tourbière est une zone humide qui stocke l’eau en montage, ça limite donc les inondations en aval. Et elle rend l’eau tout au long de l’année. Ce sont comme de grosses éponges en fait. Les végétaux peuvent concentrer 30 fois leur poids en eau ! » Les plantes rendent l’eau mais gardent tout ce qui est polluant, comme les métaux lourds. « C’est une station d’épuration naturelle : elle filtre et elle stocke. »

La tourbière de Machais est une zone de préservation de la faune et de la tranquillité. Elle n’est pas accessible au grand public. En revanche, la tourbière de Lispach peut être visitée par un sentier de découverte en bois pour approcher au plus près cette nature si spéciale. Le site a été laissé tel quel depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale pour raconter son histoire.

Les tourbières font partie d’un patrimoine historique et alimente notre imaginaire. « C’est un lieu qui attire et qui repousse. Les Celtes auraient fait des sacrifices humains dans les tourbières. Dans les Vosges, César lui-même aurait, pendant la guerre des Gaules, jeté des coffres de pièces d’or pour invoquer les dieux régionaux » explique Alix Badre.

Des plantes capables de dépolluer les sols

Certaines plantes sont capables de retenir les métaux qui proviennent du sol. On les appelle « hyper-accumulatrices ». il s’agit de plantes particulières, qui poussent sur des terrains riches en métaux et « qui peuvent les absorber à des taux mille fois supérieurs aux plantes normales » explique Guillaume Echevarria, professeur en biogeochimie des sols à l’Ecole Nationale Supérieure d’Agronomie et des Industries Alimentaires (ENSAIA-INRA-UL). Ces plantes sont capables d’extraire des métaux présents même en très faible quantité et de manière beaucoup moins brutale pour le sol et le milieu en général.

Un projet pilote, mené entre autres par Guillaume Echavarria est installé en Lorraine. « Nous travaillons sur le nickel. Le pilote est basé à Nancy et nous travaillons avec la plante « Alyssum murale » qui pousse communément sur les terrains en Albanie. » En milieu tempéré, c’est le genre de plante qui contient le plus d’hyper-accumulateurs. Elle retient dans ses racines jusqu’à 100 kg de nickel par hectare. Cette étude intéresse beaucoup les agriculteurs albanais qui sont propriétaires d’un terrain ultramafique (qui contient naturellement 100 fois plus de nickel que des sols normaux), peu fertile pour les cultures.

En France, les sols ultramafiques ne sont pas très nombreux, mis à part de petites surfaces, comme dans les Vosges, ou sur de plus larges étendues montagneuses, comme en Corse. L’extraction du nickel via ses plantes vise plutôt à valoriser des terrains contaminés par les activités industrielles.

Les animaux n’en finissent plus de nous étonner

Certes, la nature et les végétaux ont des caractéristiques insoupçonnées mais les animaux aussi ! Exemples de « super-pouvoirs » de la faune avec Alexandre Portmann, directeur du Centre de Sauvegarde de la Faune en Lorraine : « Le Martinet est un petit oiseau qui se nourrit d’insectes. Il a un cri strident caractéristique qui trahit sa présence. Le seul endroit où l’on peut le voir, c’est dans le ciel ! Le Martinet vole, mais ne se pose pas, sauf pour la nidation. Il dort en volant et est capable de rester dans les airs pendant 3 ans. » C’est l’oiseau ayant le record du plus long vol ininterrompu enregistré par les ornithologues.

« Le Torcol Fourmilier est un migratoire transsaharien qui rejoint nos contrées vers la mi-avril pour se reproduire. Il est excellent dans l’art du camouflage grâce à son plumage écaillé couleur écorce. Face à un danger, il contorsionne son cou à la manière d’un serpent pour intimider son prédateur. On peut aussi citer le Faucon Pèlerin, qui est l’oiseau le plus rapide au monde ! » Ce rapace majestueux niche en Lorraine. Il impressionne avec ses attaques « en piqué », à plus de 200 km/h lui permettent de capturer ses proies alors que celles-ci sont en plein vol. « Aussi, il y a la chauve-souris, dotée d’un super-pouvoir. Il y a une vingtaine d’espèces en Lorraine. Les chauves-souris sont capables de voir… sans leurs yeux ! Elles produisent des sons qui se propagent dans l’environnement et « rebondissent » sur les objets qui les entourent. » Ainsi, en écoutant l’écho de leurs cris, le cerveau reconstruit une image de l’environnement.

Les plantes médicinales, pour les petits maux du quotidien

En France, il y a 230 plantes dites « médicinales » libres à la vente dans les pharmacies ou les supermarchés. Dans le Grand-Est, on en trouve près de 200. Paul Montagne est chimiste-botaniste de profession et est le vice-président de l’association Floraine. Il explique : « On ne peut pas se soigner uniquement avec des plantes. Mais certaines sont bénéfiques pour améliorer notre hygiène de vie. S’apaiser le soir avant de dormir, pour la digestion… » La Camomille noble est utilisée en infusion contre les troubles digestifs, le Tilleul est réputé pour favoriser l’endormissement. « La sauge officinale est un condiment que l’on utilise pour cuire la viande de porc de façon ancestrale. Dans ses feuilles, il y a des molécules anti-oxydantes. Elles évitent donc l’oxydation des graisses pendant la cuisson. Ça donne une viande plus digeste et moins dangereuse pour le foie » ajoute Paul Montagne. Autres exemples : la Valériane, une plante que l’on trouve le long de la Moselle, qui est utilisée contre les troubles du sommeil, le Bleuet pour apaiser les yeux, l’Arnica, que l’on trouve en grande quantité sur les Hautes-Vosges pour soigner les bleus et les contusions.

Si les plantes peuvent être consommées à leur état naturel, elles peuvent aussi être utilisées sous formes de molécules végétales. C’est le cas avec l’Aspirine dont la molécule est tirée du Saule (arbre). L’If Commun est à l’origine de molécules antimitotiques utilisées en chimiothérapie anti-cancéreuse. Il faut 15 arbres pour soigner un patient. La petite Pervenche est à l’origine de la vincamine, utilisée aujourd’hui contre l’insuffisance circulatoire cérébrale. Attention toutefois à utiliser ces plantes médicinales à bien escient et à vous renseigner sur leurs vertus et leur dangerosité auprès d’un pharmacien.

L’aquaculture pour produire localement

Valoriser et exploiter la biodiversité de manière intelligente pour aller vers un développement durable : voilà l’objectif de l’aquaculture. « C’est une filière en développement au niveau mondial » explique Pascal Fontaine, directeur de l’UR AFAP (Unité de Recherche Animal et Fonctionnalités des Produits Animaux – INRA). « Il y a un déclin des pêches et une demande en produits aquatiques de plus en plus forte. En France, on en consomme 3% en plus chaque année. »

Pascal Fontaine et ses équipes travaillent sur la domestication d’espèces comme le sandre ou la perche dans une plateforme expérimentale en aquaculture installée depuis 2014.  « On essaie de développer une aquaculture intégrée au territoire, qui répond de manière précise aux besoins des différents consommateurs. » Car actuellement, 70% de la consommation en produits aquatiques de l’Union Européenne est importée d’Asie. « On veut réduire cette importation et favoriser l’élevage sur nos territoires locaux et ainsi pouvoir procéder à de la vente en direct. » Et qui dit vente en direct, dit moins de pollution pour acheminer le produit. « Nous ne sommes qu’au début de la domestication des poissons. Mais nous nous inspirons de ce qui a déjà été fait pour le saumon ou la truite qui sont des espèces déjà domestiquées. » L’élevage du sandre ou de la perche favoriserait donc une production locale sur notre territoire et alimenterait également notre économie locale.

La Pépinière, un oasis en ville

Les jardins en ville ont aussi des super-pouvoirs et ont un rôle important pour la biodiversité en milieu urbain. Focus sur le parc emblématique de Nancy.

Flâner dans les allées de la Pépinière, pique-niquer sur la pelouse, faire son footing de bon matin, se prendre en photo dans le kiosque à musique… Le parc de la Pépinière rappelle à chacun de nous un souvenir. Cette ancienne pépinière royale a été construite le long des remparts de la ville, de 1765 à 1835. A cette date, elle est rachetée par la Ville de Nancy et devient un jardin public. Depuis, le parc est entretenu d’une main de maître par les jardiniers de la ville. « Nous mettons un mot d’ordre à aménager nos espaces verts. C’est une politique qui s’inscrit dans la durée avec un renouvellement constant » souligne Laurent Hénart, Maire de Nancy.

Nouvelles méthodes

Le parc de la Pépinière est l’un des 49 parcs et jardins de la ville de Nancy. Une aubaine car ces espaces verts, aussi petits soient-ils, atténuent significativement les effets néfastes de l’urbanisation sur la faune et la flore. Les jardins les plus bénéfiques seraient ceux exempts de tout produit phytosanitaire. « On utilise un désherbeur thermique au gaz pour les mauvaises herbes. C’est très efficace » explique Benjamin, jardinier de la ville. « Les produits phytosanitaires étaient mauvais, pour nous, pour les animaux et la végétation. »

Pour entretenir ces 21 hectares, de nouvelles méthodes se sont imposées. Le paillage au pied des arbres est utilisé pour ne pas les abîmer avec la tondeuse. «  Des chèvres et des moutons sont placés à des endroits du parc pour tondre la pelouse. C’est aussi l’occasion de ramener de la faune à l’intérieur d’une ville, c’est exceptionnel » s’enthousiasme Laurent Hénart. Il poursuit : « Nancy a un patrimoine paysager horticole prestigieux depuis la Renaissance et après, avec Victor Lemoine, figure de l’Ecole de Nancy. » Des massifs de fleurs seront d’ailleurs remplacés par des variétés de Dia, de Philadelphus, ou de Weigélia, issues du patrimoine lorrain. « Ces fleurs sont meilleures pour la biodiversité car elles ramènent des insectes, qui eux-mêmes ramènent des oiseaux » explique Benjamin.

Des arbres remarquables

Le parc de la Pépinière ne cesse d’évoluer. Le zoo a été transformé en espace animalier avec des animaux en liberté ou semi-liberté. Leur cadre de vie est en constante amélioration. Qui n’a jamais attendu quelques minutes devant le majestueux paon bleu en espérant voir sa roue ? « Nous avons pour projet de restaurer la roseraie et le site de l’auditorium pour l’embellir » ajoute Laurent Hénart.

Un cadre de vie exceptionnel donc, pour une végétation qui s’y sent bien. Notamment les arbres. Car à Nancy, depuis 20 ans, il existe une « chartre de l’arbre » : le travail de plantation permet la construction d’infrastructures et aux réseaux télécoms de s’installer. Mais à l’inverse, les constructeurs s’engagent à préserver ce patrimoine horticole lors des chantiers. « Les platanes près de la Place Stanislas ont plus de 250 ans. En tout, il y a 30 000 arbres à Nancy, dont les plus anciens à la Pépinière », poursuit Laurent Hénart. A côté, on trouve le parc du Palais du Gouvernement qui abrite quelques arbres remarquables : un hêtre pourpre, des érables et des platanes plus que bicentenaires.

Lieu de culture

Mais la Pépinière, c’est aussi un lieu où l’on vient se promener, faire du sport, profiter des différentes manifestations proposées par la Ville. « C’est un lieu de culture et d’événements populaires et familiaux » insiste Laurent Hénart. Parmi les événements les plus marquants, on citera le festival Nancy Jazz Pulsations qui prend ses quartiers tous les ans à la pep’. Mais aussi « Pépinière en vert » au début du mois de septembre et bientôt « Embranchements » qui revient pour sa 2e édition du 19 au 25 juin. La thématique 2017, « Arbre et Architecture » propose une vision originale autour de l’arbre. A Laurent Hénart de conclure : « la ville de Nancy a à cœur de réussir cette équilibre entre espace de nature et lieu de vie sociale avec 3 000 hectares d’espaces verts sur son territoire qui deviennent de vrais espaces de partage. »

Photos © Joëlle Laurençon - CD88, FDLN Canut, F. Chenel L'Agence Nature, 
FDLN Fouras, INRA, CSFL, Paul Montagne, Sylvie Courtin, DR