Nancy célèbre « son » Friant

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En consacrant sa nouvelle exposition au peintre Emile Friant, le Musée des Beaux-Arts de Nancy l’élève au rang de maître, soulignant les multiples talents de l’artiste nancéien.  L’exposition « Friant, le dernier naturaliste ? » questionne sur la place de cet homme à cheval entre le XIXe et le XXe siècle, période si riche dans la vie culturelle en France et à Nancy en particulier.

C’est une des toiles les plus célèbres du Musée de beaux-arts. Celle qu’on aime faire découvrir aux cousins d’ailleurs. Découverte toujours intacte, car l’artiste n’est pas des plus connus. Impossible de ne pas rester sans question devant « La Toussaint », étonnant cortège en mouvement d’où semble s’échapper quelques chuchotements et une légère brise d’est. Etonnement garanti du visiteur lorsqu’il découvre l’intensité des toiles d’Emile Friant. Ces tranches de vie, tantôt glaciales, tantôt plus souriantes qui donne à voir le Nancy d’une époque oubliée à travers des personnages le plus souvent anonymes.

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C’est cette toile qui valu à Emile Friant un triomphe au Salon de 1889, et, la même année, la médaille d’or à l’Exposition universelle avant d’être achetée par l’Etat pour le musée du Luxembourg. Cette consécration constitue le prélude d’une longue carrière qui sera jalonnée de succès et de titres officiels jusqu’à son élection à l’Académie des Beaux-Arts en 1923.

200 œuvres, certaines inconnues

L’exposition du Musée des beaux-Arts de Nancy propose de redécouvrir ce génie lorrain, auquel il n’avait pas consacré de rétrospective depuis 1988. Elle rassemble plus de 200 œuvres provenant de nombreuses collections privées mais aussi d’institutions publiques françaises telles que le musée d’Orsay, le musée Fabre de Montpellier, l’Ecole nationale supérieure des Beaux-Arts, le musée de la Comédie française… et d’institutions étrangères. Certaines œuvres importantes sont présentées pour la première fois au public.

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La rétrospective met en lumière des œuvres inédites en particulier des académies réalisées lors de ses années de formation mais aussi des tableaux provenant de collections étrangères. Une partie importante de l’exposition est également consacrée à l’œuvre gravée de ce dessinateur remarquable.

Qui est réellement Friant ? Peut-il être réduit à un peintre académique lorrain dont le célèbre tableau La Toussaint, serait le champ du cygne du Naturalisme ?

L’exposition révèle en fait un artiste plus complexe qu’il n’y paraît dont l’œuvre illustre bien le foisonnement intellectuel et artistique de la fin du XIXe siècle.

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De Nancy à Paris, d’hier à aujourd’hui

La rétrospective débute par une présentation de l’artiste et de son environnement familial. De nombreux autoportraits, parfois inédits, réalisés entre l’âge de 15 ans et la fin de sa vie côtoient des portraits de proches du peintre.

La suite de l’exposition montre, à travers un ensemble important de dessins réalisés à l’école municipale de dessin et de peinture de Nancy, comment les artistes se formaient à la fin du XIXe siècle. Ces feuilles sont le témoignage du talent remarquable de Friant pour cette technique qu’il pratiquera tout au long de sa vie. Puis l’évocation d’un atelier d’artiste servira de décor aux œuvres du peintre datant de ses premières années parisiennes, alors qu’il est élève de Cabanel à l’École des Beaux-Arts.

La suite révèle un artiste précoce et doué : Friant n’a que 15 ans lorsqu’il expose pour la première fois au Salon de Nancy. Ses œuvres sont immédiatement remarquées. Un critique du Progrès de l’Est relève la précocité de son talent : « Être déjà soi-même quand on est encore élève, voir la nature d’une façon originale quand on quitte à peine les bancs est le meilleur des pronostics. […] »

Une partie de l’exposition met en valeur le peintre portraitiste qu’a été Emile Friant. Dès ses débuts au Salon, il excelle dans ce genre qui lui vaut ses premiers succès. On lui reconnaît une habileté quasi photographique dans le rendu des visages. De nombreuses personnalités vont ainsi défiler sous ses pinceaux comme le poète et écrivain Émile Hinzelin, Jika Majorelle, le critique Henry Hunziker, Camille Cavallier, directeur des Fonderies de Pont-à-Mousson…

L’exposition se termine par le regard d’artistes contemporains sur l’œuvre de Friant. Car il est aujourd’hui à son tour source d’inspiration pour les artistes vivants, preuve de la richesse de son œuvre. Ainsi, Jochen Gerner nous livre-t-il une réinterprétation géologique de La Douleur (1898), où des mégalithes remplacent les masses sombres de la composition originale. Gilbert Coqalane a récemment achevé La Toussaint (1889), alors que Sylvain Lang nous en offre une réinterprétation cinématographique. François Malingrëy avoue sans peine sa dette envers Friant, dans ses toiles aux personnages dont les regards expriment nos drames intérieurs, à l’image de la Jeune Nancéienne dans un paysage de neige (1887). Édwart Vignot (né en 1969), dans In memoria3, réalise quant à lui une installation mémorielle à la gloire du peintre.

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Oeuvres de Gilbert Coqalane par Arno Paul

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Si une des raisons de la méconnaissance de Friant par le grand public réside peut-être dans le fait qu’il s’est montré moins perméable que d’autres aux ruptures artistiques du début du XXe siècle. Son ami Victor Prouvé y voit au contraire une qualité : celle de pouvoir suivre son étoile : « En cela Friant est bien Lorrain, un Lorrain très pur, qui conçoit, se fixe, précise, persévère et sans dévier tient ferme ; telles sont les raisons de son prestige. »

Friant, le dernier naturaliste ? Du 4 novembre 2016 au 24 février 2017 au Musée des Beaux-arts de Nancy. Exposition ouverte tous les jours de 10h à 18h, fermée le mardi et les 25 décembre et 1er janvier. Visites commentées de l’exposition : tous les mercredis, samedis et dimanches à 15h.  Visites en famille : découverte en famille de l’exposition. Les dimanches 13 novembre, 11 décembre et 8 janvier et 12 février à 16h. L’exposition est accompagnée de visites thématiques, de conférences et d’un spectacle créé en partenariat avec le CDN Nancy Lorraine. Informations et programme complet sur mban.nancy.fr