Le tsar au lit dormant

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« Le Coq d’or » présenté à l’Opéra de Lorraine, c’est le despotisme et la tyrannie maltraités avec humour, sur une musique extraordinaire avec des décors et costumes féériques.

Nul besoin de connaître l’histoire de la révolution russe pour assister au spectacle irréel que proposera l’Opéra National de Lorraine du 12 au 21 mars prochain avec « Le Coq d’or ». Au contraire, car on se rapproche presque du conte de fée dans cette œuvre universelle et intemporelle. Il était une fois le tsar Dodon, qui malheureux, veut quitter le pouvoir et cherche des solutions pour rester coucher. Un jour, arrive au royaume un astrologue lui offrant un coq en or censé le protéger et l’avertir de tous prochains dangers et ennemis.  Mais rien ne se passe comme prévu et envoyant ses jeunes gens à la guerre, ils y seront massacrés. Le tsar part alors au front et rencontre la Reine de Chemakha, une créature séduisante telle une sirène maléfique.

A l’origine tiré d’un conte russe de Pouchkine puis composé et mis en opéra par Nicolaï Rimski-Korsakov en 1909, « Le Coq d’or » fut frappé de censure à l’époque de sa création et ne sera joué qu’après sa mort. Il demeure l’opéra le plus connu de celui qui composa « Le Vol du bourdon » et fut le professeur adulé de Stravinsky.

Poutine ou Trump

« C’est toujours intéressant de parler de la bêtise, de la tyrannie et du despotisme, qu’ils datent d’aujourd’hui ou d’hier, cela fait partie de la nature humaine et reste d’actualité. Ce qui est incroyable, c’est d’imaginer qu’à l’époque le tsar de toutes les Russies était encore au pouvoir. L’œuvre mettait en scène un tsar fainéant, dépassé par les évènements, en pleine dépression nerveuse. C’est faire preuve de beaucoup d’audace politique et artistique que d’écrire un tel opéra » explique Laurent Pelly, le metteur en scène.

« Ce tsar peut être n’importe quel tyran. A l’époque de Rimski-Korsakov c’est Nicolas II. A celle de Pouchkine c’était un autre. Aujourd’hui, il pourrait être Poutine ou même Trump. Il y a quelque chose de l’ordre du tyran imbécile, c’est une vraie satire. L’humour y est très important et pour un public qui n’est pas habitué à l’opéra, même si c’est en russe surtitré, c’est très accessible » précise Laurent Pelly qui a travaillé avec Barbara de Limburg pour créer un monde irréel et onirique, proche d’un univers à la Ubu. Bien sûr les références à la Russie sont présentes mais n’enferment pas la pièce dans une époque.

Un lit bling-bling

« Je ne connaissais pas du tout cette œuvre et si j’ai accepté de monter cet opéra c’est pour toute la richesse, la poésie et la causticité qu’elle comporte. Cela correspondant tout à fait au type d’œuvres que j’aime mettre en scène, c’est-à-dire du théâtre musical, non pas composé d’airs mais de dialogues chantés. »

Cet opéra en 3 actes avec prologue et épilogue (durée 2h avec entracte) est à la fois politique et fantastique. La direction musicale sera assurée par Rani Calderon, directeur musicale de l’Opéra national de Lorraine. « Ce qui est étonnant dans l’œuvre de Rimski-Korsakov, c’est que sa musique pourrait être celle d’un film ou d’un dessin animé avec un déroulé narratif très puissant. On est toujours dans un dialogue chanté, c’est très vivant, comme du théâtre. Le travail avec les interprètes (Vladimir Samsonov, Roman Shulakov, Svetlana Moskalenko, …) fut de l’ordre de la direction d’acteurs » complète Laurent Pelly.

Esthétiquement, le point central de la pièce, c’est un lit énorme, démesuré et ostentatoire, un lit de monarque un peu bling-bling, faisant penser aux nouveaux riches russes ou de n’importe quel pays. Ce lit dans lequel le roi Dodon passe une bonne partie du temps en pyjama, est posé sur un immense tas de charbon, très noir, stérile et aride, symbolisant ce que ce le tsar a fait de son pays et de son peuple, servile.

Comme un miroir tendu à nos yeux, le Coq d’or est un beau cadeau de la part de l’Opéra de Lorraine dont il ne faudrait se priver (tarifs de 6 à 69€) pour mieux comprendre notre temps.

Plus d’infos > opera-national-lorraine.fr • 03 83 85 33 11

Photos © Baus - De Munt La Monnaie, DR