La liberté de Lily

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Après une carrière dans la mode, Lily Barreth exprime sa liberté créatrice sur des toiles présentées chez Formes et Couleurs à Nancy.

Elle amasse puis elle déchire, elle colle et recolle, assemble et agrémente toutes sortes de matériaux récupérés ici ou là. Cartons, papiers chiffons, sachets de thé, matériaux nobles ou basiques. Tantôt cigale tantôt fourmi, elle est frivole par moment mais aussi sérieuse et rigoureuse dans son travail. Mais ne croyez pas que cela soit une besogne, bien au contraire, tout ce qui l’inspire c’est une profonde recherche de liberté. Lily Barreth est une artiste et cet attachement à la création libre de tout carcan est comme une quête spirituelle. A l’image de celle qu’elle a découvert en lisant le livre de Léonard Koren sur le Wabi Sabi. Derrière cette expression japonaise, on retrouve ce qui fait la force de caractère de Lily Barreth et la puissance de son travail : à la fois la simplicité, une certaine mélancolie et une modestie face aux phénomènes naturels (le wabi) mais aussi un goût prononcé pour la patine des objets et l’altération par le temps (le sabi).

C’est sans doute pour cela que Lilly chine beaucoup, chérit la décoration et recherche des objets imparfaits ou abîmés, se plaisant ensuite à leur redonner une seconde vie. Elle aussi a une seconde vie, orientée depuis dix ans vers la peinture.

Comme un puzzle

Auparavant, Lily Barreth s’est fait un nom dans le monde de la mode. Créatrice de la ligne internationale de vêtements LILITH, directrice artistique de ses boutiques de Nancy à New-York sans oublier le Japon, elle a œuvré à faire connaître de jeunes créateurs comme Gaultier, Castelbajac ou Mugler. Mais le business n’a jamais eu ses préférences et elle a donc tourné la page depuis plusieurs années.

Dans son atelier personnel situé dans sa maison nancéienne, elle n’a pas oublié ni renié ses années de styliste qui l’ont fait beaucoup voyager, mais aujourd’hui, comme un aboutissement, elle a remplacé ses ciseaux et patrons par des pinceaux et des acryliques. A son actif, une collection d’une centaine de toiles dont certaines ont été exposées dès septembre 2014 à la galerie Bora-Baden à Nancy puis à la galerie de Mme de Graffigny à Villers-lès-Nancy en juin dernier.

Son œuvre est multiple, pleine de facettes, faites de collages disciplinés ou aléatoires, de matières grattées et superposées. Elle allie des formes, des détails, place ici du bois, du textile ou du papier. « Cette façon puzzle de travailler je l’ai toujours pratiqué et j’aime transformer, sublimer les matériaux » explique-t-elle pudiquement.

Un mur de Libération

Ses couleurs sont parfois sombres et son rouge couleur sang presque rouille, « à la fois porte bonheur et celui de la vie ». Ses pigments sont bruts voire violents rappelant à la fois les ravages du temps sur des murs vieillis (Lily est une adepte des lieux abandonnés), mais portant aussi son regard sur le monde et l’actualité tout en offrant au spectateur des émotions intenses. Pour autant, aucun de ses tableaux ne porte de nom, « pour laisser à chacun la liberté de voir ce qu’il veut ».

Comme une soif d’essentiel, Lily continue de peindre et une partie de ses dernières réalisations sont exposées chez « Formes et couleurs » (4 rue Saint-Nicolas à Nancy). Elle envisage aussi un autre projet, en partie concrétisé. En effet, après avoir constitué des « briques de jour compressées » et un mur à partir des 365 numéros d’une année du journal « Libération » mettant en exergue les mots de notre cruelle époque, elle imagine un papier-peint à partir de ce qui a été pensé et écrit sur des Unes ou des titres. Non pas pour les figer mais au contraire rappeler que ces mots ne sont pas les derniers : il y aura un « après ».

Plus d’infos sur lilybarreth.com

Photos © OHDancy, DR