Derrière la vitre, l’art vivant

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Un nouvel espace de création artistique, la Factorine,  vient de voir le jour derrière une vitrine de la rue Stanislas à Nancy. Plus qu’un lieu d’exposition, plus qu’une galerie, le lieu veut offrir une visibilité aux artistes dans leur processus de création.

Comme beaucoup d’histoire autour de l’art à Nancy, celle de Camille Michel, Téodora Gadancheva et Rémi Illig commence sur les banc de l’Ecole nationale supérieur d’art. Leurs pratiques artistiques sont différentes mais se complètent. Les unes préfèrent le dessin et les installation, l’autre les vidéo-performances mais les trois se rendent vite compte qu’ils travaillent mieux ensemble. Le choix est vite fait de partager un atelier dès la sortie de l’école. Pour ça il leur faut un lieu. Une boutique vide est libre dans la rue Stanislas. Durant quatre générations, le rez-de-chaussée y a accueilli un magasin d’encadrement, « Nancy Cadre », réputé pour ses dorures et sa miroiterie. Dans une immeuble XVIIIe derrière une vitrine ornée de bois Art nouveau, classée et signée Eugène Vallin, le lieu leur plaît au premier coup d’œil. Abandonnée depuis plus de 15 ans, l’ancienne boutique est pourtant en très mauvais état. Ni eau, ni électricité encore moins de chauffage… Qu’à cela ne tienne, les jeunes artistes mettent les mains dans le plâtre et dans la peinture murale et retapent les deux niveaux de l’immeuble. Au début des travaux, m’état des lieux ne permet pas de faire entrer les visiteurs en toute sécurité. De cette contrainte, ils vont faire le concept. Leur travail se verra à travers la vitrine.

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Voilà pour la face visible de cet iceberg artistique. Car à l’étage, le concept va plus loin avec l’Usine, un lieu de collaboration comme un espace de coworking dédié à l’art. L’équipe d’origine s’est agrandie : Lou Gottlieb, Jean-Philippe Arnold ont rejoint l’association qui compte une quarantaine de membre.

La force de la Factorine, c’est de faire vivre un tel espace pour la première fois en centre-ville de Nancy, à quelques pas du musée des Beaux-Arts. Elle a aussi le mérite de s’afficher dans la rue grâce à cette vitrine. Une façon de créer un pont entre l’art contemporain et le grand public.

Ouvert à tous les arts

Et il faut dire, que vu de la rue, l’atelier attire forcément le regard. Ouvert à tous les arts, il accueille par exemple en cette mi novembre du théâtre expérimental. La compagnie Stasima a revisité la vitrine comme un salon de particulier. Canapé, table basse, ambiance tamisée, les deux acteurs semblent en pleine discussion. Quelques chaises dans la rue piétonne invitent le passant à prendre une pause pour capter une partie de ce spectacle improvisé en direct. Derrière la vitre, le ton monte, un des acteurs sort sur le trottoir pour se calmer, il fume une cigarette sous le regard étonné des spectateurs du moment. Déstabilisant, vivant, surprenant : la Factoring revendique la surprise dans l’art. Montrer des oeuvres achevées n’intéressait pas le collectif.

Lancé en septembre, la Factorine est le fruit d’un long travail : l’équipe créatrice a mis la main à la poche et fait appel au financement participatif. Preuve que l’idée séduit le plus grand monde, ils n’ont pas mis longtemps à récolter l’argent nécessaire à la mise sur orbite. Mais aujourd’hui l’équipe cherche d’autres financements comme le mécénat afin de monter de nouveaux projets. Des projets qui ne manquent pas : en trois mois, plus de quarante candidatures se sont fait connaître.

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Derrière la vitrine, le premier événement a naturellement été signé par les trois créateurs. Pendant 90 heures, ils ont écrit le mot « Usure » sur le sol, les murs et le plafond de leur nouvel écrin. Une façon d’exorciser dans une oeuvre collective cette obsession  – « usante, mais usante de façon positive » sourit Camille Michel – du projet de la Factorine.

La deuxième artiste, Camille Gallois a  installé son cactus géant au milieu de la vitrine. Chaque épine était reliée à un prénom. Le tout sur fond de l’opération Octobre rose. Là encore, le public a pu observer, et voir l’œuvre prendre naissance.

A la Factorine, pas de vernissage comme dans les galerie traditionnelle. C’est impossible car l’œuvre se construit au fil des jours. « Lorsque l’artiste investit les lieu, explique Rémi Illig, il s’installe dans un cube blanc et vide. Il créé in situ, sous les yeux des passants, et l’important n’est pas la finalité mais bel et bien le processus de  création. » A la place du traditionnel vernissage, donc, l’équipe propose des Dernissages. comme une grande fête pour découvrir l’œuvre achevée, avant que celle-ci ne disparaisse pour laisser la place à la suivante.

L’Usine du premier étage propose un atelier en location, à l’heure, à la journée. Espace de travail et de recherches transdisciplinaires, il sera investi par les artistes qui pourront le réserver pour réaliser des projets personnels ou collectifs. L’Usine servira également de QG aux adhérents de l’association. Ils s’y réuniront pour préparer ensemble à l’organisation, la communication et la réalisation des futures vitrines. L’Usine est aussi le moyen trouver pour financer les projets de la Vitrine ou simplement payer les factures.

Nouvel espace de création sans contrainte, les artistes contemporains devraient vite trouver dans la Factorine, un moyen de s’exposer facilement, de se faire connaître. Le public, lui, légèrement surpris saura sans nul doute s’habituer à cette nouvelle vitrine artistique. Alors si vous voyez une installation en cours rue Stanislas, ne passez pas votre chemin en disant « je repasserai quand ce sera fini ». Car ça a déjà commencé.

La Factorine, 14 rue Stanislas 54000 Nancy. Plus d’infos sur lafactorine.fr