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Le temps des cathédrales d’acier

« La sidérurgie est en crise ». Cette phrase d’alerte est venue régulièrement remuer sa lame aiguisée dans la plaie de l’industrie lorraine. Pour moi qui ais trente ans, il me semble l’avoir entendue toujours. Je suis née avec.

Les paysages désolés de friches industrielles sont des refrains familiers. « La sidérurgie se meurt ». Mais toute mourante qu’elle est, son agonie n’a été qu’une longue série d’espoirs crucifiés, d’innombrables déceptions.

Pour les ouvriers de ce secteur, les trahisons ont été aussi dures que multiples, répétées de décennie en décennie. Et leur combat à Florange n’est qu’un des derniers avatars d’une lutte impossible.  « L’habitude est une grande sourdine », écrivait le dramaturge irlandais Samuel Beckett dans sa pièce « En attendant Godot ». Cette habitude de la sidérurgie en Lorraine a pu étouffer parfois la certitude de sa préciosité. Pourtant, telles des cathédrales d’acier, les hauts-fourneaux lançaient dans le ciel un message trop peu écouté : « je suis votre patrimoine ». Le Parc du Haut-Fourneau U4 à Uckange a fait siennes ces paroles. Bien que son activité aujourd’hui soit éteinte, il continue à vivre d’une autre façon à travers une programmation culturelle riche et des initiatives scientifiques, artistiques et technologiques. La sidérurgie n’est donc pas totalement morte : elle s’est juste adaptée.