Dans les yeux humanistes et lorrains de Jean Scherbeck

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Jean Scherbeck, 1922

La Galerie Madame de Graffigny à Villers-lès-Nancy accueille jusqu’au 2 novembre, une exposition dédiée au dessinateur, peintre et photographe lorrain, Jean Scherbeck (1898-1989).

Poser le regard sur un artiste complet et humaniste, qui a marqué la première moitié du XXe siècle par son art du portrait, qui a porté une attention à l’autre, ne peut être que salvateur. Irions-nous jusqu’à avancer que Jean Scherbeck peut taper dans l’œil de tous ceux qui viendront jeter un regard à cet hommage ? Oui et en voici les raisons.

Né à Champigneulles, Jean Scherbeck est formé à Nancy par deux figures majeures de l’École de Nancy : Émile Friant et Henri Royer. Devenus ses maîtres, puis ses amis fidèles, ils lui transmettent un goût du réalisme, une rigueur du trait et une exigence artistique qui guideront toute sa carrière. À leur suite, il s’attache à représenter la vérité des êtres, dans leurs expressions comme dans leur contexte.

Avec ses pastels, ses fusains ou ses encres, l’artiste va alors parcourir la Lorraine, l’Alsace, la Bretagne ou la Corse, dessinant inlassablement les visages rencontrés. Avec l’impératif de chercher à capter ce que la vie imprime sur les traits : le labeur, les épreuves mais aussi la dignité et la tendresse.

Le trait de vérité

L’homme se démultiplie dans ses talents. Photographe reconnu dès les années 1920, Jean Scherbeck installe son studio à Nancy en 1922, et devient le témoin des grands moments de la vie des familles, des figures marquantes de son temps comme des visiteurs : Victor Prouvé, Louis et Jacques Majorelle, Géo Condé, Emile Friant, Maurice Barrès, Eugène Corbin, Marie Marvingt et bien d’autres encore à l’image de sa nomination, en 1926, de photographe officiel du Maréchal Lyautey. Photographe de terrain, il immortalise aussi les grands événements publics de Nancy à l’image du mariage de Otto de Habsbourg.

Qu’il s’agisse de clichés pris en studio ou sur le vif, de dessins ou de peintures, l’œuvre de Scherbeck révèle un même souci de vérité. La lumière souligne les regards et ces derniers révèlent les âmes. C’est par eux qu’il raconte les histoires silencieuses de ses modèles, avec une rare délicatesse.

Cette nouvelle rétrospective dévoile des œuvres inédites et de nombreux documents personnels. À travers une cinquantaine de portraits et tout autant de dessins, sculptures et objets, elle redonne toute sa place à Jean Scherbeck dans le paysage artistique et intellectuel lorrain du XXe siècle. Au doigt et à l’œil.

Détail savoureux : la « mâmiche » des madeleines de Liverdun

Jean Scherbeck adorait Liverdun, lieu de ressources où il avait acheté une maison de campagne. Lieu d’inspiration aussi lorsqu’il y rencontre Marcel Chenel, inventeur de la recette secrète des véritables madeleines de Liverdun qui lui fait une demande : dessiner une « mâmiche » lorraine. Celle-ci, liverdunoise et croqueuse de madeleine, expressive dans son acte de gourmandise, est devenue l’emblème des madeleines de Liverdun et figure encore sur tous ses emballages qui voyagent en France et au-delà des frontières. Un autre emblème lorrain…