La place Carnot ? sous le signe des ouvertures !

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Cette place est mal aimée. Peut-être parce que, pour certains, ses limites avec le cours Léopold semblent floues… Il est vrai que depuis la chute de sa fontaine monumentale, il lui manque presque son âme. Et pourtant, son histoire est riche.

Une ouverture de la ville

Construite sur les anciens remparts et fossés entre 1768 et 1774, elle permet à la ville de s’ouvrir à l’ouest, vers le faubourg Stanislas, mais aussi vers de nouveaux espaces à conquérir (rues Hermitte, de la Ravinelle, Lepois…). Elle fut alors baptisée place de Grève et accueillit marchés mais aussi exécutions criminelles…
Son défaut est peut-être d’être trop ouverte. En effet, elle est inachevée : le cours Léopold devait être bâti, et fermer au nord la place.

Une ouverture universitaire

Tout le côté ouest de la place est occupé par l’Université de Nancy. S’y trouve la bibliothèque universitaire, le Palais de l’Université, les bâtiments du Pôle Européen et des Sciences économiques et Gestion. Le dernier hôtel, le plus proche du Cours Léopold, est propriété du Rectorat. La bibliothèque, dont la belle porte d’entrée et la rampe intérieure sont dues au talentueux Jean Prouvé, date du début des années 1930. Elle fut reconstruite dans un style Art Déco remarquable, à la suite de son bombardement pendant la Première guerre mondiale. En effet, l’Université de Nancy, malgré les attaques répétées sur Nancy ne fléchit pas durant le conflit. Cette attitude héroïque (enseignants comme étudiants) lui valut de recevoir la Croix de guerre et la Légion d’honneur. C’est la seule université de France à avoir reçu un tel honneur ! A côté s’élève le palais de l’Université, construit de 1858 à 1862 pour accueillir l’Université restauré par Napoléon III. Au départ, la capacité du palais suffisait à accueillir tous les étudiants de Nancy (Lettres, Sciences, Droit, Médecine et Pharmacie)… De nos jours, et après bien des agrandissements, seule la Faculté de Droit y réside. Admiré aujourd’hui, il fut qualifié par certains lors de sa construction de « véritable modèle de pâté de foie gras ». Injustement !

Une ouverture récréative

Chaque année, la place Carnot accueille des hôtes festifs, qui apportent une note de joie et de couleur : la foire foraine et les cirques (Arlette Gruss et sa livrée rouge et blanche, Pinder en jaune et rouge, qui rappelle sans le vouloir les couleurs de la Lorraine). La foire foraine a des origines très anciennes : 1339 ! Après avoir changé à plusieurs reprises de sites, elle se fixa en 1859 sur la place Carnot et le cours Léopold, pour ne plus bouger. Elle avait lieu auparavant en mai, d’où son ancien nom de « foire de mai ». En 1959, elle fut avancée en avril, par égard pour la foire-exposition. C’est la plus importante de France après la Foire du Trône de Paris. La principale clef de son succès est peut-être sa position centrale ; elle est l’une des dernières en France à ne pas avoir émigré en banlieue.

Une ouverture présidentielle

La place, par son nom, rend hommage à Sadi Carnot, président de la République Française, assassiné en 1894 à Lyon. Deux ans auparavant, il était venu à Nancy rencontrer le grand-duc Constantin de Russie dans le cadre de l’Alliance franco-russe. Un obélisque – en granit des Vosges – fut érigé en 1896 pour célébrer le rôle important joué par Carnot, et sa mémoire. Hélas, depuis la Seconde Guerre mondiale, l’obélisque est dépouillé de ses superbes bronzes dus à Victor Prouvé. Certains chuchotent qu’ils n’auraient pas été fondus par les Allemands, et qu’à la chute de Berlin, les Russes les auraient pris et envoyés dans les réserves de l’Hermitage…